Amiraux-chefs d'îles mystérieuses

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Oscar trotte dans le noir. Sur la côte de la Mussily j’entends ses pas devant puis derrière, il me frôle ciel et bois confondus, j’avance avec une foi modeste, celle que les choses vont se précipiter tout à l’heure. Le jour se lève en effet lorsque je redescends de la Moille au Blanc, de longues traînées de suie s’accrochent aux sommets de Brenleire et de Folliéran, en charpie du côté du lac. Plus au nord une lueur blanche pousse du bout de ses doigts roses les bords de la nuit, se glissent sous les restes de suie et les teinte d’orange cireux, brûlent avant de fondre, le jour ramasse tout, rien ne l’arrête, le ciel devient transparent comme le verre, on se demande où a bien pu passer la nuit.

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Je quitte le Riau en longeant les plans du jour et du ciel, passe à coté, pas moyen de faire autrement, à moins d’aller droit à l’est, là où sommeille le gibier, où règnent les cols et les passes, l’herbe maigre, les pierres, les sentes sur lesquelles on revient parfois, quelques cairns.
Mon travail fait depuis quelques jours une boule compacte dont il m’est difficile de retrouver les deux bouts. Il m’arrive de couper dans la pelote pour m’y retrouver et retrouver quelque chose sur lequel je peux tirer. Mais ce cette pelote, ce temps pelote je m’en défie, il accroît par moment son volume et ne me laisse que des miettes. Je confie le soin à ces notes et à ces images d’enrayer sa croissance et de mettre à ma disposition un lieu où respirer.
Fais une pause à la sortie de l’école sur la terrasse du Central, le soleil s’apprête à passer derrière les lampadaires, les lignes téléphoniques, les hautes cimes des conifères que remplaceront bientôt des haies de thuyas derrière lesquelles s’efforceront de vivre les derniers hommes, amiraux-chefs d’îles mystérieuses silencieuses comme des cimetières.
J’apprends dans le journal local que le blogue kayture de Miss Suisse 2011 accueille plus d’un million de visiteurs par mois. Elle écrit :
La régularité et l’authenticité sont des gages de qualité, c’est quelque chose que mes lecteurs apprécient. Mon journal est comme un journal de bord, j’adopte un ton plus personnel, avec des anecdotes.
Je souscris à ces propos, et comme elle ma ligne est claire : Je n’écris que sur les choses que j’aime. Pourquoi donc le domaine des marges.net et de ses dépendances n’accueillent pas plus de 15000 visiteurs mensuels (commerciaux ukrainiens et moteurs de recherche russes compris) ? Je me le demande. C’est peut-être que la belle caresse un rêve, celui de fonder un jour sa petite entreprise. Toujours est-il que personne ne m’a fait parvenir des vêtements ou des chaussures. Mais a-t-elle, comme moi, reçu un jour un pot de confiture et un petit ouvrage sur Tchernobyl ?
Françoise et Edouard sont venus manger ce soir à la maison.

Jean Prod’hom

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