Où qu’on tourne la tête chacun s’affaire, dit la vérité, en négocie la forme et le partage, crépit à ses heures perdues les murs de l’asile qui abrite les strophes nées des convenances.
Mais personne ne se satisfait de ces vérités-la, pas même l’artiste sous mandat. Il finit par reculer, le voilà dos au mur bien décidé à quitter le jardin du souvenir. Il dépose dans une corbeille d’osier sous le miroir ses clés, son porte-monnaie, ses recueils de proverbes, ses pensées. La fenêtre est ouverte, son oreille remue, il avance oblique comme un chien mouillé, plus rien ne le soutient. Il s’enfonce pourtant droitement dans ce qu’il ignore, fait feu de tout bois.
Deux mots suffisent, comme deux sapins dans les bois du Risoux dont le prolongement suffit à indiquer la direction, peu importe laquelle, pourvu qu’elle ne le ramène pas là où il croyait être. On l’aperçoit derrière la vitre, immobile, son esprit est bien loin, creuse des passages, erre dans les souterrains, taille des étoiles. Ni bruit ni secret, mais des constellations qui se multiplient, c’est comme un éclatement de la langue dont les morceaux se mêleraient au sable du fond de la mer, ce qui la porte et ce qu’elle porte, ce dont elle manque et qu’elle manque, ce qui se maintient invisible sur le rebord de la fenêtre et qui guette.
Ils sont nombreux ceux qui, dit-on, se sont perdus dans le Risoux, ils ne sont en réalité jamais revenus.
Jean Prod’hom