Il faut se lever tôt et se coucher tard

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Cher Pierre,
Le temps s’est adouci, la neige a fondu, mais ce matin le froid a tendu un piège : les imprudents paient leur insouciance ; appuyés à la tôle de leur voiture, gants de cuir, ils téléphonent, répètent qu’ils sont détenteurs d’une casco complète. Leur suffisance en dit long. Le jour se lève, on souhaiterait au fond de soi que les dépanneurs tardent ; je les imagine assis sur le talus, frigorifiés, condamnés à réchauffer leurs mains au feu de leur agenda.

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La vie, marquée par le travail et sa division, m’oblige à désobéir à ceux de mon espèce, en me détournant de leurs attentes et de mes convictions. Il faut se lever tôt et se coucher tard si on veut se défaire à temps et être au rendez-vous ; retrouver, ne serait-ce qu’un instant chaque jour, un horizon, et des nuages, et le soleil.
Je ne sais qui a mis à ma disposition cet espace, que ne mentionne aucun cadastre, d’où il m’est possible de reprendre le dessus sans prendre la main ; me réorienter dans le sens du jour sans y toucher et le laisser venir. Je lui en sais gré. C’est dans l’attente de ce court instant que je mets toutes mes forces, pour rejoindre une vacance dont il n’y a rien à tirer, sinon un motif, une mélodie une inflexion qui en rappelle le pouvoir d’illumination et d’apaisement.
Sylvie m’a envoyé ce soir trois poignées de tessons qui m’ont ravi avant de me conduire, de fil en aiguille, à une boîte de craies.

Jean Prod’hom