Les frontistes auront peut-être un sursaut républicain

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Le soleil lance ses feux sur le sommet du Chasseron et les aiguilles de Baulmes ; l’ombre se retire, glisse à leurs pieds, se plisse comme un tapis qu’on enroulerait ; puis remonte lentement des fonds de la Venoge, à la hâte soudain jusqu’à nous.

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Stéphane Lévy | Droit au silence | Point Rouge Gallery | 14 janvier – 30 janvier 2015

La semaine commence, il faudra une fois encore prendre des mesures pour qu’elle ne m’avale pas d’un coup. Me retirer chaque fois que cela est possible, pendant la récréation que je surveille ce matin, à midi lorsque la cour déserte est remplie de lumière, plus tard avec les derniers rayons du soleil.
Le Front national a réalisé hier en France un score proche des 28%, en tête dans six régions sur treize : inquiétant naturellement, pour nous tous, pour les frontistes également, ils auront peut-être un sursaut républicain, ou une heureuse crainte, celle de ne pas être à la hauteur, personne ne l’est plus.
Ce qui menace précède de beaucoup ce qui a eu lieu ce week-end, tout le monde le sait, si bien que chacun préférerait aujourd’hui le statu quo au pire, c’est bien normal mais n’est pas suffisant. Chacun devine la terrible impasse et tremble de ne voir poindre aucun idéal, aucune figure identificatoire, espérant encore que ceux-ci puissent venir d’en-haut, se substituer à nos démons partisans. Comme si l’altérité nous avait définitivement abandonnés.
Je lis aux élèves de 10ème le récit de la nuit de Meaulnes sur la paille humide de la bergerie abandonnée et de sa découverte, le lendemain, du domaine mystérieux. Les deux élèves qui ont oublié leurs notes la semaine passée évoquent ensuite le naufrage du Titanic et le destin des Amérindiens d’Amérique du Nord. Je leur laisse toute liberté pendant la dernières période.
Lecture à nouveau avec les élèves de la 9G, chapitre 9 de la Vallée de la Jeunesse : Eugène regarde Apostrophes ; la chaîne de télévision française est venue en effet filmer Simenon. Eugène se souvient, Simenon touche à deux reprises le tronc du cèdre du quartier avant d’entrer dans sa maison et de parler du suicide de sa fille.
Lecture encore avec les 9P, La Parure de Guy de Maupassant.
Il est 15 heures 40 lorsque je prends l’autoroute, fais une halte à Lutry, la librairie est fermée. J’ai rendez-vous à 16 heures 30, je me balade dans la grande rue, cherche et trouve la maison dont mon grand-père d’Epalinges, devenu épicier, s’était fait l’acquéreur.
Je retrouve Stéphane au restaurant du Major Davel à Cully ; deux heures suffiront pour que nous nous mettions d’accord sur la forme que pourraient prendre nos échanges. Je la dépose à l’entrée de Riex, le brouillard m’attend au-dessus de Chexbres. C’est avec ma mémoire qu’il me faut conduire, remise à jour plusieurs fois tout au long du trajet : à la  bifurcation de Savigny, devant le restaurant chinois de Forel, au motel de Servion, avant le radar de Mézières, dans le virage avant Ropraz. Plus besoin ensuite, le brouillard s’est accroché à l’entrée de Corcelles, dans le pré à Jean-Paul.

Jean Prod’hom