L'éternité sans immortalité

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Cher Pierre,
Il a beaucoup plu au milieu de la nuit ; les copeaux de bois et la sciure ont rejoint le gravier entre les dalles de l’allée ; je place les cartons vides de la bibliothèque à l’arrière de la Nissan et descends au Mont. Nous suivons sur la TRS, entre 9 et 10, une partie des élections au Conseil fédéral, les petits Vaudois auront congé l’après-midi du 17 décembre pour fêter Guy Parmelin, leur nouveau conseiller fédéral.

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Le projet avec Stéphane prend forme ; à moi d’établir le lieu où déposer notre cueillette quotidienne ; l’affaire démarrera le 14 janvier. Je reprends le modèle utilisé jusque-ici pour lesmarges, d’où je retire toute ce que je peux retirer sans toucher au code source. Il restera, tout en haut, peu visible, une corniche à double profil.
T est couché sur son lit, je m’assieds sur une chaise et on parle de choses et d’autres, de l’éternité, du suicide assisté, de l’immortalité, des bruits dans le couloir, de Holan, de l’éternité sans immortalité. Sa petite chambre a l’avantage d’être bien chauffée, mais le soleil n’y entre jamais. Il se détend, moi aussi. Sa soeur viendra demain pour s’occuper de ses affaires.
Il n’a pas grand chose à lui ici, quelques photographies, les souvenirs de ses lectures et des rencontres qu’il a eu la chance de faire avec des hommes qu’il a admirés. Il me parle notamment de Stéphen Jourdain avec lequel il a passé une inoubliable journée à Morges, il me prête le seul livre visible dans sa chambre, un livre qu’il n’a plus la force de lire : Une Promptitude céleste.
Je crois que mes visites lui font du bien, elles m’en font aussi ; nous parlons de choses graves, presque silencieusement, auxquelles il pense chaque jour, comme nous tous. Je lui propose avant qu’on se quitte de lui lire la prochaine fois, s’il le souhaite, quelques pages ; on en reparlera. Trois-quarts d’heure suffisent, il me sourit, fatigué, je lui souris. Il est heureux que nous nous soyons rencontrés, moi aussi. Je passe à la déchèterie y déposer les cartons et rentre au Riau.
Arthur travaille avec deux camarades dans sa chambre, les filles écoutent de la musique au salon, je prépare une salade et des croûtes au fromage à la cuisine, Sandra rentrera plus tard.
On regarde après le repas le journal télévisé, Guy Parmelin essuie de nombreuses critiques et les titres des journaux de demain ne sont pas tendres à son égard. Avoir la peau dure n’est pas une qualité suffisante pour faire un bon politique, mais elle est nécessaire ; je ne puis m’empêcher de me faire du souci pour ce nouvel élu.
Les filles vont se coucher et Arthur se remet au travail. Lili me demande de rappeler à sa mère qu’elle doit l’embrasser sitôt rentrée. Je n’attends pas, monte me coucher avec Vladimir Holan et Stephen Jourdain.

Jean Prod’hom