C’est de là-haut, le regard tendu vers la maison aux volets verts, au deuxième étage de laquelle la vie de l’inconnu déclinait, que j’ai cherché à me représenter pour la première fois – à rêver ou à penser – le peu qui lui restait à vivre ; à concevoir un chemin qui croiserait le sien sans lui faire de l’ombre, à faire les premiers pas sur un tracé qui n’existait pas, que j’avais à la fois à imaginer et à emprunter, avec une exigence que j’aurais voulue égale à la sienne ; à marcher en pleine lumière, celle des jours auxquels il mêlait toujours davantage, à mesure qu’il s’allégeait, son propre silence et son évidence, même la nuit ; et à tenter d’écrire ce qui ne pouvait avoir lieu que de ne pas être dit.
C’est aussi de là-haut que je suis parti le dernier jour, à pied, pour rejoindre le jardinet de la maison aux volets verts, où l’infirmier-chef m’apprit que Monsieur était mort, seul comme il l’avait voulu, un matin de printemps, la fenêtre grande ouverte.
Jean Prod’hom