Monsieur ne reviendrait pas

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Monsieur ne reviendrait pas ; il s’était donné d’un coup tout l’avenir qui s’étendait devant lui, un avenir équipotent au passé sur lequel il ne se retournerait pas, sans chicane ni resserrement, bien décidé à le considérer aussi longtemps que sa nuit ne serait pas tombée sur la succession des causes et des conséquences, sur le bal des aubes et des crépuscules. Ne le dérangez pas.

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Il y avait donc une autre manière d’être dans la partie, dans sa grande largeur. Monsieur s’est tu, il n’y aura pas de dernier mot.
Je m’en rappelle, j’étais venu à bout le l’étroit sentier qui menait au col, considérant d’un coup le nouveau monde qui s’ouvrait sous mes yeux. Je me suis assis dans l’herbe rase, le dos appuyé à la pente, devant le ciel et l’étendue qui se prolongeaient bien au-delà de l’horizon auquel ils semblaient suspendus. Le temps a passé, j’ai hésité, j’aurais pu rester, me suis levé enfin. Avec l’étrange sentiment de trahir quelque chose que j’abrégeais, de renoncer à ce qu’il me faudrait, quoi qu’il en soit, recommencer un jour, en me consolant à l’idée que d’autres chances me seraient octroyées, aussi longtemps que j’aurais la force de reprendre une nouvelle ascension, de l’autre côté de la vallée, d’emprunter le chemin qui rejoint le col où la pointe de l’aiguille acérée touche l’horizon.

Jean Prod’hom

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