Février 2019

On en parle ici, et ça ne fait pas de mal.


Calcaire / Carrière jaune / Ferreyres


Les betteraviers dans la panade

Cent litres de tord-boyaux et une seule allumette, c’est ce qui est nécessaire à Jean Buhler pour nous faire voir du pays, de la Vue des Alpes à la Chaux-de Fonds, par Rome et Naples, les Balkans et Winterthur, dans une avalanche de langue soulevée par des rythmes et un tempo qui la font sortir de son lit : amours d’une ligne, muscat d’arrière-saison, routes de bitume bordées de réverbères, journées pressées. On traverse l’Europe au pas de charge, dans une prose raccourcie qui fibrille et ne s’attarde pas.

Comment ne pas se réjouir d’un mot et de ce paysage:

Merci pour le lien sur l’émission d’Espace 2! Ce n’est peut-être pas ce que tu préfères, mais tes propos étaient si intéressants que je me suis dépêchée d’acheter ton livre. J’ai donc lâché un de ceux reçus à Noël (un Siri Hustvedt, écrivain dont je n’avais jamais entendu parler, la honte) et me suis plongée dans Novembre.
Quel plaisir! Bon, je l’avoue tout de suite, tu n’auras pas réussi à me faire aimer cette région que je trouve plate dans tous les sens du terme. Même les trajets en bateau finissent par me lasser. Peut-être devrais-je parcourir le même trajet que toi et à pied? Mais tu auras réussi à éveiller malgré tout mon intérêt pour ce Seeland dont à vrai-dire je ne connaissais pas grand-chose.
J’ai aimé ton histoire, ton personnage S. et j’ ai admiré ton érudition discrète: comment fais-tu pour connaître tous les noms de lieu, leur histoire, les personnages, l’art qui s’y rattache, bref tout? Et je t’envie cette capacité à t’immerger dans la  nature et à la décrire si affectueusement. Je connais très bien Grancy par exemple et sa forêt où je vais depuis mon enfance et où les cendres de mes parents ont été répandues, mais j’ai l’impression que tu la connais bien mieux que moi. Donc, félicitations pour ce premier roman!
Et j’oublie les chardonnerets… la couverture de ton livre m’a tout de suite fait penser, même s’il n’y a aucun rapport à part l’oiseau, au tableau de Fabritius que tu cites et au roman de Dona Tartt: tu l’as lu?
Au plaisir de te rencontrer dans la région ou lors de notre prochaine rencontre élyséenne ! et surtout ne te balade pas trop, écris! on attend ton prochain livre..

Amitiés.
Sylvie U


Sous la paupière du jour
Photographie | Arthur Prod’hom


Ecrire autour de ses dettes…


Première sortie | 16 février

La sociologie de Bruno Latour avait, dans les années 70, mis au diapason les sciences et la poésie. Il revient, je crois et au fond, avec le même bon sens. Tout bouge et les horizons s’ouvrent.

«… c’est ce que doit faire la société : s’ancrer.
Le problème est qu’elle ne sait pas où elle est. Si on change de Terre, avec le nouveau régime climatique, c’est comme de déclarer que la Terre tourne autour du soleil. C’est une mutation de même ampleur. C’est ce qui est à la fois excitant et angoissant. Mais ne nous plaignons pas : enfin ça bouge !»

Il aurait évidemment été préférable que toutes les gentillesses conservées en secret dans mon cœur aient été directement adressée à Bruno Ganz de son vivant. J’en conviens.
Mais si j’ai réservé l’expression de mon indéfectible passion pour ce prince au moment même de sa mort, c’est pour écarter une crainte, celle qu’il m’éconduise en n’accusant pas réception de mes messages; et pour nourrir une fois encore un espoir qui se réalise enfin et qui me console: s’il était vivant, c’est sûr, il m’aurait liké, fait un petit signe, souri,… et s’il ne l’a pas fait, c’est bêtement parce que des circonstances ne relevant pas de sa volonté ont prévalu.
Bruno Ganz m’est, depuis qu’il est mort, plus familier que jamais. Il faudra désormais, chers amis, et c’est le prix, que je me satisfasse de vos «like».


La Sarine, Abbaye de Hauterive, dimanche


– Fribourg!
– Frimeur!

L’idée que l’on puisse simultanément gagner sa vie et la réussir a aujourd’hui du plomb dans l’aile et met nos éducateurs en porte à faux. En réalité, et l’enquête de Judith Schlanger le montre, cette idée a constitué une utopie même en période de plein-emploi.
Pourtant, cette utopie de nos démocraties libérales n’empêche pas de distiller aujourd’hui encore son rêve, quand bien même chacun est dûment averti qu’il aura, dans le monde qui s’ouvre à lui, à changer plusieurs fois de métier.
Après en avoir suivi les péripéties depuis sa naissance dans l’horizon économique de la division du travail, Judith Schlanger s’interroge dans «La Vocation» sur l’avenir de cette idée. Enquête au terme de laquelle la philosophe s’interroge: une conception renouvelée de la vocation est-elle possible loin des règles contraignantes de l’autre fille de la démocratie libérale, la consommation?
Chaque homme peut-il aujourd’hui espérer se définir autrement qu’à partir de la mise en scène consumériste et changeante de soi, durablement, à partir d’un ressourcement intérieur qui déboucherait sur un faire?
La question paraît essentielle.


Il arrive parfois que tout semble achevé.

Ce matin, deux amis m’envoient un lien sur le site de la fondation Jan Michalski: « Sylvain Maestraggi, actuellement en résidence, présentera le jeudi sept mars sa traduction du Journal d’un voyage dans la région des lacs. Ce récit de voyage, composé en 1769 par le poète anglais Thomas Gray, offrant un point d’entrée dans une archéologie de la promenade. »
J’irai. Et tandis que je mange avec mon fils à Morges, je me souviens soudain que je connais cet inconnu, nous nous sommes croisé en mars 2015 sur une page du Matricule des Anges, Tessons d’un côté et Waldersbach de l’autre.
Trop de coïncidences pour ne pas leur emboîter le pas: je file à Montricher sous le soleil, aperçois Sylvain Maestraggi sous la canopée, on fait la causette. Je lui offre Novembre, il m’invite au quatrième étage de la Fondation à lire son Waldersbach, textes de Oberlin et de Büchner, texte et photographies de Maestraggi et postface de Jean-Christophe Bailly.

Je me régale.


Les mésanges sautillent dans les rameaux des mélèzes,
un merle siffle le rassemblement.


– Écrire? Lire?
– Séjourner, s’échapper.

« Comme on entame une balade.
J’ai entamé votre livre;
Comme j’emprunte un sentier avec mon chien, sans savoir où il va nous mener; et c’est très bien.
J’ai entamé votre livre et je m’émerveille de vos mots; simplement; comme je m’émerveillerais d’une pierre, d’une écorce; d’un nuage sur le chemin…»

Merci à Valérie G

Cher Jean,
j’ai beaucoup aimé lire « novembre » ; t’accompagner dans cette grande balade solitaire, dont les pas te mènent vers des villes, des personnes, des événements et des réflexions si personnelles partagées dans «novembre » m’a ravi. L’écriture est calme et paisible; il ne se passe rien, c’est un compliment, je veux dire qu’il n’y a pas d’intrigue comme dans un policier. Cette marche au mois de novembre est si belle, elle calme, elle est paisible. Le pensionnaire de Chantemerle, devenu un ami, à l’institution médico-sociale où tu abordes les questions du dépouillement, de la mort et de la solitude. La visite de ce musée, ancien moulin, fermé à Yverdon, les mosaïques d’Orbe, l’histoire incroyable des établissements de la plaine de l’Orbe, de Louis-Frederic Berger, de la disparition des oiseaux, de belles rencontres… bref, tout est tellement bien documenté, les dates, les noms et les événements, comme ces hommes très riches, voulant peut-être alléger leur conscience ont entrepris de grands chantiers pour faire travailler les plus cabossés de la plaine de l’Orbe. La Grande Cariçaie devenue une réserve dont l’humain est exclu…..ce chantier pharaonique et dont nous ne saurons jamais s’il était utile, voulu par le politicien écologiste Philippe Biéler, comme une obsession, une mission personnelle de souvenirs de jeunesse dans un camping à Yvonand, et puis la mort de ta mère… merci pour ce partage, j’ai adoré te lire.

Amicalement.
Martine D


PS
Editions d’autre part se commande en ligne: https://www.dautrepart.ch/


Quelques mots sur W. G. Sebald et les Anneaux de Saturne dans la boîte.
Paraîtra dans Le Temps samedi 2 mars 2019.

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