Il y a le chant du coq à midi



Il y a le chant du coq à midi
les vieux qui font la sieste
les couleurs des crépis passés
la dernière marche de l’escalier monumental qui monte au Congrès
il y a les bons comptes
il y a la pile de chemises de celle qui ne reviendra pas
les hanches larges des lourdes péniches
la pierre ollaire les soirs d’automne
il y a les galets de Lambi

Jean Prod’hom

Plus jamais ça

Dans un récipient d’épines
deux vautours tisonnent
un feu d’idées faisandées qu’ils jettent
dans le coeur des poètes
mélangées à de la pénitence
avec du sacrifice
tandis qu’au confluent des ruisseaux
et des eaux usées
aux yeux laids
des poissons anémiques
répondent
ceux de la belle inconnue

le nombre harassé
a la corde au cou
exit les clés du rêve
de la dernière combattante de l’été
nous saurons bientôt
les éclairs litigieux
aperçus au fond des apories
de l’austérité née là
de la combinaison de six dés ivres et noirs

vivre avec eux soit
mais plus jamais
à l’ombre
des divinités vertueuses
loin de la vaillance des orties
et des lampes au rais douteux

c’est c’est là c’est là
ramez c’est par là

Jean Prod’hom

Dimanche 29 août 2010

– Dis, toi tu connais vraiment beaucoup de monde étanche ?
– Non ! quelques-uns seulement, et quelques-uns qui le sont qu’un peu. Quant à dire complètement étanches, ça non, je peux pas le dire, c’est rare. Disons deux ou trois, j’entends de vraiment étanches, Michel est étanche.
– Ouais, Michel c’est sûr. Roby est étanche aussi, et toi je crois que t’es aussi étanche.
– Ouais pour Roby, mais son frère, ça jamais. La Raymonde non plus n’est pas étanche. Sur beaucoup j’ai changé d’avis, t’as trop de gens que tu crois étanche, et puis ce que tu as dit un jour, tu l’entends dans la bouche d’un autre, déformé. Ça c’est dur. Pierre-Georges n’est pas étanche, Armand n’est pas étanche, Mais sais-tu ce qu’il m’a dit l’autre jour à Vulliens ? Tu devines ?
– Qu’est-ce qu’il a dit l’Armand ?
– Il a dit que t’étais pas étanche. Tu te rends compte un peu le salaud. Après ce qu’il t’a fait.
– Ah tu le savais?
– Tout le monde le savait.
– Ah bon ?
– C’est là où le bât blesse. Si seulement celui qui n’est pas étanche parlait à un type étanche. Mais c’est jamais le cas. Trop de gens qui sont pas étanches. Bryan n’est pas étanche, Loïc pas étanche. Et ta femme ?
Ma femme est presque étanche. Mais pas assez, je m’en suis rendu compte, pas parce qu’elle redzipète ce que je lui ai dit, mais parce qu’elle transforme ce que je ne lui ai pas dit. Non ma femme n’est pas étanche, je ne lui dis plus tout ce que je sais et ce que je pense, ma femme c’est un peu comme la tienne.
– Exact collègue ! Moi aussi j’aime les gens étanches. Mais disons qu’il faut pas être étanche comme Roger qui ne dit rien.
– Ecoute, ils auraient mieux fait d’éteindre la sono.

Des vrombissements montent de devant leur ventre bedonnant, des grondements de caverne, nocturnes, humides. Ils sont trois côte à côte derrière l’école de Vulliens, chemise blanche, cheveux gris, la rondeur des sages. Ils ont laissé au repos leur bras droit, une main morte au bout; ils tiennent de l’autre, par le collet, un cor des Alpes descendu de Villangeaux, qu’ils vissent et dévissent pour approcher le fragile équilibre des harmoniques. Ils soufflent avec soin, retiennent le tonnerre, tendent l’oreille à gauche et à droite pour tenir ensemble les rênes de voix qui ne veulent en faire qu’à leur tête. Ils y parviennent un peu et c’est encore plus beau ainsi.
A la fin ils demandent un peu d’emploi à leur bras droit pour éponger leur visage. Il s’en vont le cor sur l’épaule, la main gauche dans la poche de leur pantalon, lentement, comme des cow-boys.

Jean Prod’hom