Il y a le pardon

Il y a le pardon
la courbe des chemins à double ornière
les hirondelles
les chiens qui ont déserté leur niche
il y a les lieux-dits qui tiennent parole
il y a les engagements qui allègent
la main courante de Riant-Mont
les groseilles des sorbiers
il y a les ombres avec lesquelles on devise

Jean Prod’hom

Migration des hirondelles

Pendant plusieurs décennies
les sages tentèrent en vain
de fixer de l’intérieur
les traits des diverses catégories
ils débouchèrent
malgré les précautions
sur les enfers du car et du mais

les savants déchus
grandes gueules
aux crocs émoussés
affalés au creux du chemin
qui serpentait alors
dans l’axe de la contrainte
se nourrirent des dépouilles des damnés
et des restes de la jeunesse
qui courbait l’échine
devant les héros
et leurs impérieuses manies
malheur aux guerriers mous
qui se contemplent
dans le tain déformant de la nuit

fatiguées des maigres rondeurs
sur lesquelles
les flots avaient baissé les yeux
les hirondelles
au corselet blanc
cotte haut-plissée
s’enfuirent dos au vent

Jean Prod’hom

Dimanche 22 août 2010

Aujourd’hui comme il y a quelques jours j’ai maintenu un bref instant, en équilibre et dans la fraîcheur, l’humeur gagnée sur le cortège des contrariétés qui me guettaient dès l’aube. J’ai avancé réconcilié sur le chemin qui monte à la Mussilly en longeant celui qui traverse l’extrémité du bois Vuacoz et celle du bois Faucan jusqu’à la Moille-au-Blanc, avec le sentiment qu’aucun événement n’aurait raison de mes nouvelles dispositions dont je savais pourtant par expérience que le temps était compté. Chacun de notre côté mais faits du même bois. L’aboiement de chiens en semi-captivité et de leurs maîtres aux abois, la menace des petites taches sombres de l’avenir qu’on s’invente, les impolitesses de nouveaux riches présomptueux que suivaient deux demoiselles au sourire servile n’ont pas entamé la tranche de belle insouciance, simple et fragile, dans laquelle je m’étais retrouvé. Tout cela ne tenait à rien, mais tenait, se poursuivait même, en partie peut-être par la résolution prise en cours de route de partager ce qui ne m’appartenait pas en tenant à bonne distance ceux qui n’avaient que l’allure des rois. Equanimité d’un seul instant mais qui laissait quelque part dans le paysage l’assurance qu’il pouvait en être ainsi si je gardais à l’esprit – comme on le fait avec une prière – l’assurance que le règne d’un horizon guéri du prurit de l’avenir, sur lequel le dedans et le dehors avancent en équilibre, n’est pas le règne des fins.
Dans tout cela l’écriture n’y est pour rien. Elle n’est qu’une autre ligne d’horizon, sans importance réelle, dans laquelle l’horizon vrai se mire parfois et trouve une image réconfortante de l’avenir, elle est alors comme l’au-delà réduit de l’horizon vrai nettoyé des scories de l’histoire.

Jean Prod’hom