Trop c'était trop

Si Gérard Genette admire « le nombre d’ensembles où l’on dénombre trois-cent soixante-cinq items dès qu’on a un peu de mal à les compter, en trichant toujours un peu : les fromages français, les îles de l’archipel de Chausey à marée basse, les châteaux du Bordelais, les pièces et les horloges de l’Elysée, les romans de Simenon, les députés de la droite élus en 2002, les voitures brûlées en banlieue par semaine… » et conclut que « ce nombre symbolique, clairement calqué sur celui, plus sûr, des jours de l’année non bissextile, signifie simplement, et avec tout le flou figural qui convient : beaucoup », j’ose aujourd’hui espérer que huit cent sept précédera bientôt les items de tout ensemble incomplet – y compris l’ensemble inachevé des huit cent sept – et signifiera in fine, avec le même flou figural qui convient : trop c’était trop.

L’entreprise engagée par Franck Garot et ses amis sur ce site se doit donc de ne pas aboutir pour réussir, c’est le prix. Elle doit s’interrompre impérativement avant le huit cent septième huit cent sept, j’y veillerai.

Et pour donner l’exemple : pas de huit cent sept aujourd’hui.

Jean Prod’hom
22 septembre 2009

Travaux de titans

Derrière le monticule
en arrière d’une large baie
que souligne
un arc d’argent
jalonné de zones d’ombres
les restes
d’une tentative plus récente

ultime défi
si l’on en croit les légendes
des premiers habitants de l’île
qui entreprirent
l’impossible tâche
de séparer
le liquide du solide

ils creusèrent
des canaux
dans la vase
endiguèrent
les bras de mer
conçurent des levées
des quais

des complexes de galets
des ponts et des chaussées
des lacs
qu’ils parquèrent
avec les eaux dormantes de l’intérieur
à la terre ils arrachèrent
la terre

l’eau à l’eau
la boue profonde aux bancs de sable
sans succès
les larmes ne coulaient plus
sur les visages
mais demeuraient avec les glaires
au fond de leur gorge

ô solitude
mêlée de grandeur
ô peuple malheureux
dévoré par de folles ambitions
ô peuple insatisfait
dévasté par l’échec
et le ressentiment

aucun chemin
ne resplendit aujourd’hui
le miracle de l’opiniâtreté
n’a pas pas eu lieu
le souvenir dans les mémoires
seulement
d’un insatiable orgueil

on le voit
on ne réforme facilement
ni les choses
ni les usages
si bien qu’on accepta sur l’île
mais à contre coeur
mélanges et marécages

et les hommes se remirent à pleurer

Jean Prod’hom

Dimanche 9 mai 2010

Je ne suis pas loin de penser avec Pierre Guyotat qu’il faudrait, pour refaire le temps mais en bien, rendre le couteau à la meurtrière qui a osé « commettre ce dont brillent nos tragédies, nos poésies, et nos romans, et nos tableaux et nos opéras, et que leurs artistes façonnent avec tant de soin, et de plaisir, et que nous devons étudier avec application ».
Pour des raisons assez analogues il faudrait ouvrir tout grand les portes de nos écoles afin d’obliger nos enfants à faire l’école buissonnière, sur les traces du Grand Meaulnes et de tous les héros désobéissants qui nous ont fait rêver. Pour replacer le mystère dans la vraie vie et pas dans l’autre.

Jean Prod’hom