Plus tard

Personne ne le savait dans les îles
mais cette année-là deux univers
côte à côte séparés par un bras de mer
se découvrent par-dessus les années

l’élan semble irrésistible
mais ils n’ont pas dépassé
les îles la côte effleurée
pas au-delà
la même ignorance
se dresse aménage
méthodiquement son règne
un à un les derniers
lointains s’inclinent

Jean Prod’hom

Dimanche 17 janvier 2010

Qui fait passer un peu d’éternité d’une respiration à l’autre assure sa survie. Plus pourquoi pas, mais en usant de ce dont on dispose presque rien. Peut-on sérieusement aller au-delà d’un bout de journée sans étouffer ?
On m’a raconté les limites, j’ai lu quelques épopées qui ont donné du tempo à ce qui en manquait. Mais je me souviens surtout des comptines, des chansons qui reviennent, des jours et des nuits, du soleil à l’est, des promesse qu’on tient et du couchant. Vendeurs de camelote, courtisans passez votre chemin, allez respirer. Tu n’es pour quiconque d’aucun secours. Et si tu ne veux pas de mon indigence, va, je n’ai rien d’autre à t’offrir que d’être à tes côtés lorsqu’à l’aube ce quelque chose qui ne manque pas d’être là et qui m’effraie est là.

Jean Prod’hom

L'autre voie

Ne doit-on pas s’inquiéter de cette habitude tenace qui a attaché le gros de notre esprit au secret des mouvements qui font tourner la grande noria, à leur chiffre et à leurs résultats ?

Tu t’inquiètes toi-même de te retrouver à la fin du jour, insatisfait au milieu d’eux, à l’affût de la porte qui ouvrirait sur un pays d’essence plus haute, que ta précipitation éloigne et te fait manquer. Tu te débats pour obtenir un peu de vide dans ce trop plein, histoire de respirer, c’est peine perdue.
Faudra-t-il que tu acceptes encore la mainmise de ce que nous appelions faute de mieux le romanesque, qui nous éloigne non seulement de cet autre pays mais aussi du vieux pays qui invitait ses habitants à n’être qu’un presque rien s’ajoutant au presque rien, sans contrepartie, au milieu des morceaux d’un paysage incompréhensible que le mouvement de leurs paupières découpait ? Ils allaient presque immobiles dans l’à peine mobile, faseyant, déroulant sous leurs pieds les pièces du monde comme dans un film muet, un film aux raccords mal faufilés.
Oui, car c’est là qu’il fait bon vivre, loin des plaintes et des espérances, des courtisans et des complaisances. Souviens-toi d’Olympie, lorsque les athlètes s’en vont le stade est désert, croissent en bout de piste, derrière le talus, des ronciers et des chênes verts, ils annulent le récit de tous ces récits qui ne mènent nulle part, sinon au regret de ne pas avoir un jour emprunté au carrefour l’autre chemin.

Jean Prod’hom