Dimanche 11 octobre 2009



La pluie sur les tuiles chante le même air qu’autrefois. Mais si un matin on s’y abandonne un peu plus longuement, c’est parce que le corps et l’âme ne croient plus devoir céder au premier appel des sirènes. Les merveilles promises sous d’autres cieux nous tirent certes hors de chez soi et on feint de s’y rendre, sans pourtant ignorer que ce qu’on va chercher si loin derrière les crêtes demeure en retrait et attend son heure lorsqu’on s’éloigne.
Ne pas répondre au second ou au troisième chant des sirènes n’aurait pas plus de chance de voir aboutir notre désir de comprendre ce qui a été que de céder aveuglément à l’appel du lointain, si bien qu’on est tout naturellement amené à emprunter un chemin médian, un chemin qui nous éloigne un peu de ce vers quoi on va, pour être en mesure de reconnaître ce qu’on cherche, et qu’on entend là, tout près, lorsque la pluie chante un air sur le toit, le même que celui d’autrefois.

Jean Prod’hom

(Pers) Dimanche 4 octobre 2009



Sur les bancs de bancs de l’Ancienne Académie, la question de l’âme et du corps me semblait d’un autre temps et n’effleurait que l’épiderme de ma raison, je n’y croyais pas. Un vieux bonze pourtant de la Faculté des Lettres de Lausanne prenait l’affaire très au sérieux et clignait des yeux lorsqu’il l’évoquait: Daniel Christoff était un homme sans âge, insoumis aux modes du jour et souriait un peu moqueur lorsque les béjaunes levaient l’étendard de la modernité. Stupéfait, admiratif un peu aussi, j’ai vécu plusieurs années sur le seuil, à mi-chemin de l’un et des autres.
Tout compte fait j’y suis demeuré. Je continue en effet à ne pas comprendre cet homme solitaire qui avait trouvé un abri dans l’absconse, fragile et peut-être impossible histoire de la philosophie – dont l’édifice tout entier est menacé, je le crains, d’effondrement –, et j’admire l’indépendance de cet esprit qui est allé mine de rien à contresens de la bienséance à laquelle tendaient les modernes, courageux blancs-becs, pugnaces et simplistes.
Descartes a creusé le gouffre qui sépare l’âme et le corps, le langage et le monde, les perception et la mémoire et il a tenté d’y répondre. Qu’en penser?
Si l’âme s’efforce d’habiter aujourd’hui le corps et croit parfois le tenir en laisse, le corps de son côté supporte la situation sans broncher comme un simple faire-valoir. Mais il dira son dernier mot lorsqu’il se retirera de la partie, au tout dernier moment, comme un fond de tiroir vermoulu, d’où s’échapperont libres je l’espère les secrets de nos fonds de tiroir.

Jean Prod’hom

XL



Les tenanciers d’une excellente auberge que je fréquente en début de mois demandent à leur fidèle clientèle d’aller se servir directement sur la longue planche recouverte d’une nappe blanche qu’ils ont installée sur deux chevalets à l’entrée des cuisines.
Ce que je craignais est donc arrivé… Un jour, on nous enverra manger directement dans la chambre froide!

Jean Prod’hom