Si la nuit ne revenait pas

Combien d’années encore la nuit assurera-t-elle la solidité de nos jours, nous tous tant que nous sommes, saints et assassins, insomniaques, rêveurs et libertins, enfants et vieillards, femmes épuisées, traîtres et musiciens?

La nuit, je le crains, ne résistera pas, les hommes l’ont dédaignée, ils paieront cher leur forfait, nuit peau de chagrin.

Goûte mon fils, poings fermés ou sur le côté, rêveur, amoureux, debout ou pensif, assoupi, attablé, somnolent ou affaibli, goûte ces nuits qui annoncent les derniers printemps.

Les malfaiteurs ont transgressé la trêve qu’elle nous offrait, la guerre va occuper nos jours et nos nuits, je serai sous terre.

Les hiboux se sont enfuis, les hommes tremblent et le réverbère est demeuré allumé au carrefour, nous prendrons demain la mesure de l’événement, le soleil bientôt ne se couchera plus.

Nous comprendrons, ma foi trop tard, que la nuit éradiquée était le salut du jour, il n’y aura plus de trêve, nous rejoindrons à nouveau le souterrain où nous sommes nés.

Demeurera loin au fond des bois la nuit de la nuit, il y fait froid, avec le tombeau et les arbres les yeux grand ouverts.

Jean Prod’hom

Dimanche 22 février 2009



Bris orphelins, éclairs, cassures, je n’ai aucune ambition de recoller les morceaux. J’en observe soigneusement les bords et le motif pour ne pas succomber à la tentation d’en faire un picassiette. Je les maintiens distincts et éloignés, et vois apparaître les manques énigmatiques qui les séparent, nouveaux bris orphelins, éclairs et cassures.

Jean Prod’hom

VIII

Je ne l’avais jamais vue, mais on chuchotait qu’elle était issue d’une grande famille, qu’elle buvait et qu’elle vivait seule.
Je n’en ai plus douté lorsque je l’ai vu entrer au au café jeudi soir, l’arcade sourcilière entamée et en colère.
– Tu me suis fermé la porte au nez!

Jean Prod’hom