Véranda (Célestin Freinet LVI)

Riau Graubon / 12 heures
C’est, hélas, l’image de la fragile construction que nous préparons pour nos enfants. La technique tout entière est à réordonner. Moins de matériaux d’abord, moins de richesses accumulées sur les chantiers. L’essentiel est que nous puissions, quand nous en avons besoin, prendre un véhicule, charreton ou auto, pour aller, sans perte de temps ni fatigue inutile, nous approvisionner au dépôt le plus proche. Construction moins prétentieuse aussi, que nous monterons à notre rythme, aussi haut que nous le pourrons, en faisant le moins d’appel possible au toc et au clinquant, la beauté devant être comme le couronnement d’un effort intelligemment équilibré; mais construction solide, confortable, à l’épreuve des éléments, que nous pourrons éventuellement partager avec nos amis et nos proches, et construction que nous aurons montée nous-mêmes, dont nous connaîtrons en détail la contexture, dont nous sentirons les faiblesses, qui fera partie intégrante de notre être.
Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,

L’Education du travail, 1949
Conséquences pédagogiques

Village (Célestin Freinet LV)

Corcelles-le-Jorat / 16 heures

Des gens bien attentionnés […] ont préconisé et imposé des constructions rapides et hâtives, capables d’abriter et d’absorber tant bien que mal la matière première accumulée. Ils ont inventé des échafaudages ingénieux, des armatures audacieuses qui ont permis de monter rapidement la construction, de l’achever, afin qu’elle donne l’illusion au moins de la perfection. Mais ceux ensuite qui doivent l’habiter souffrent de cette hâte, des malfaçons qu’elle entraîne, des inévitables imperfections qui résultent du désordre: répartition défectueuses des pièces, fragilité des murs, faiblesse du toit qui vibre au monde vent, que l’orage secoue, que la pluie traverse déjà – escaliers pénibles, services d’eau et de détritus fonctionnant mal, caves et cours encore encombrées par les matériaux inemployés et détériorés. Bref, à tous les échelons, désordre, déséquilibre, danger, fatigue, perte de puissance.

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
Conséquences pédagogiques

Refuge de Ropraz (Célestin Freinet LIV)

Ropraz / Corcelles-le-Jorat

Jusqu’à ce jour, vous vous êtes appliqués dans vos classes à accumuler les matériaux – trop exclusivement intellectuels et verbaux – à les cataloguer, eux et leurs attributs, à les distinguer, à les préciser, à en améliorer la contexture et la présentation. Ce n’est d’ailleurs pas là une besogne inutile, car la netteté et la valeur des matériaux sont, elles aussi, déterminantes pour l’équilibre de l’édifice. Seulement, oubliant que l’utilité de ces matériaux n’existe qu’en fonction de l’édifice à élever, vous vous êtes contentés d’amener à pied d’oeuvre pierres, sable et chaux, de les offrir, de les imposer à l’architecte et au maçon qui étaient débordés. L’entassement hétéroclite gênait les abords, rendant difficile la circulation vitale et le travail même de construction, enlaidissant les perpectives, donnant aux ouvriers cette impression déplorable d’impuissance devant le désordre, jusqu’à les forcer à descendre de leur échafaudage, à abandonner la construction essentielle pour essayer de déblayer les abords.

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
Conséquences pédagogiques