Combles
Photo | Arthur Prod’hom
Riau Graubon / 18 heures
(Devant de telles pages, on en vient à déplorer, plus que jamais, que la critique littéraire ne dispose pas d’une pierre de touche qui permettrait de condamner sans appel tous les livres de mauvais aloi. Quel salutaire nettoyage cela ferait dans les librairies, les journaux qui parlent encore de livres, les émissions télévisées plus encore! Mais non: jusqu’à la fin des temps, les mots étant bien commun, les livres les plus nuls continueront d’avoir pour un regard myope ou louche exactement la même apparence de livre et la même légitimité – usurpée – que ceux-là seuls, nécessairement rares, qui en méritent le nom.)
Philippe Jaccottet, « Éclairé par l’écume » in Louis-René des Forêts
Mollienches
Châtillens / 14 heures
– Ne comprends-tu pas que les maîtres ont dramatisé le règlement en donnant à nos rapports avec eux qui se substituent à lui le caractère d’un conflit permanent? C’est aux maîtres qu’il faut obéir, c’est par eux qu’on se fait punir, c’est donc à eux qu’on sera tenté de désobéir pour leur permettre […] de « faire leur métier ». Résister sournoisement à leurs ordres, tromper leur surveillance afin d’encourir une juste punition, c’est rompre sans cesse avec la docilité satisfaite où nous risquerions de nous endormir, mais c’est aussi reconnaître la puissance invincible du règlement qui ne vit en nous que par la fréquence de nos délits. Et qui donc nous invite insidieusement à commettre ces délits, sinon les maîtres eux-mêmes par le rappel de nos devoirs comme par des sanctions dont ils nous menacent sans cesse?
Louis-René des Forêts, La Chambre des enfants