Si le potlach

Si le potlach, nom donné au principe qui organisait les échanges dans certaines tribus du Nord-Ouest américain et des îles Trobriand –donner, recevoir, rendre–, a pu conduire celles-ci à gaspiller leurs biens jusqu’à l’épuisement et à condamner leurs membres à la faillite, c’est (pour dire vite, un peu trop vite) parce qu’ils avaient à tenir leur rang : les groupes les plus riches se devaient. dit-on, de se montrer les plus follement dépensiers, au risque de disparaître.

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J’imagine un même scénario aujourd’hui tandis que le fossé entre riches et pauvres se creuse toujours davantage. Nous pourrions en effet nous précipiter dans une faillite analogue à celles qui ont frappé ces groupes étudiés par Marcel Maus et ses successeurs, mais à l’envers et en deux temps : en capitalisant leurs biens sans en faire réellement la débauche, les plus riches pourraient se retrouver bien mal pris lorsque les plus pauvres sans lesquels ils ne s’enrichiraient pas n’auront plus les moyens d’acquérir la moindre miette de ce qui leur est proposé sur le marché. La conséquence serait immédiate et la faillite assurée, les riches deviendraient d’un coup aussi pauvres que les plus pauvres.
Pas sûr que je raisonne juste ni même que je sois habilité à m’aventurer en ces domaines ; mais il me semble qu’il y a quelque chose de vrai dans tout ça, quelque chose d’évident, quelque chose de primitif.

Commencer

On peut évidemment commencer par le commencement, puis aller de cause en cause, de raison en raison jusqu’à la fin ; on peut également commencer par la fin et continuer, imaginer honorés les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 :  un cessez-le-feu généralisé qui se prolongerait indéfiniment, une résolution heureuse des rapports marchands, le temps retrouvé.
Personne ne semble tout à fait prêt pour cette aventure, comme si au coeur de ce rêve une tension le faisait bégayer, une tension entre ce à quoi on songeait tandis que les conflits faisaient rage – vivre enfin ! –, et le désarroi que procureraient cette paix perpétuelle et le temps retrouvé – pour quoi faire ? C’est dans l’idée de lever cette crainte et préparer le chemin des générations futures que nous pourrions demander à un groupe d’hommes et de femmes courageux, triés sur le volet, de vivre comme si notre monde était en paix, avec pour seule butée celle de leur mort.

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