Thierry Metz
L'homme qui penche (13)
Mady est toute maigre.
Une ou deux fois par semaine on lui fait des électrochocs, puis on la ramène, gisante, toujours plus absente, avec cette difficulté d’atteindre chaque fois ce qu’elle voudrait dire. Elle n’est plus qu’un regard qui nous cherche.
Simple petite rose
du regard.
Où nous sommes.
Où se maintient la rose.
Thierry Metz, L’homme qui penche, 1997
L'homme qui penche (8)
Je note chaque heure ou chaque jour des choses qui n’ont sûrement aucune importance. Hors pavillon.
Aujourd’hui, Aurélie a dessiné un chat et un arbre.
Aujourd’hui, j’ai longuement parlé avec une jeune infirmière, une stagiaire qui s’intéresse à mon cas.
A midi, au self, Raymonde a rapporté son plateau.
Aujourd’hui, Denis n’allait pas bien, tellement énervé qu’on ne comprenait pas ce qu’il disait.
Voilà, aujourd’hui c’est le 24 octobre. Dans le parc, les jardiniers ont commencé à ratisser les feuilles.
Thierry Metz, L’homme qui penche, 1997
L'homme qui penche (1)
CENTRE HOSPITALIER DE CADILLAC EN GIRONDE, PAVILLON CHARCOT. OCTOBRE 1996
1.
C’est l'alcool. Je suis là pour me sevrer, redevenir un homme d'eau et de thé. J'envisage les jours qui viennent avec tranquillité, de loin, mais attentif. Je dois tuer quelqu'un en moi, même si je ne sais pas trop comment m'y prendre. Toute la question ici est de ne pas perdre le fil. De le lier, à ce que l'on est, à ce que je suis, écrivant.
Thierry Metz, L’homme qui penche, 1997