Refrain
Flavio
Le dormeur du val
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud. Poésies (1870-1871)
Sensation
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la nature, heureux comme avec une femme.
Arthur Rimbaud. Poésies (1870-1871)
Demain, dès l'aube

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo, 1847
Après trois ans
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu’éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle.
Rien n’a changé. J’ai tout revu : l’humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin…
Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
Les roses comme avant palpitent ; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m’est connue.
Même j’ai retrouvé debout la Velléda,
Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue,
– Grêle, parmi l’odeur fade du réséda.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens (1866)
Quelques poèmes
Poèmes phraso-graphiques
Impossible,
trop haut pour nous.
Shiryne
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Pas ici,
mais là-bas.
Alicia
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Sur un château de sable,
un crabe.
Mouldi
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Ce jour-là,
un jeune chien combattant.
Noah
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Quelle belle journée,
si ensoleillée,
pour un hamster enrhumé.
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Ce jour-là,
sur la plaine,
la nuit,
près du marché aux puces,
un homme.
Ludovic C
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Quoi, moi?
Pourquoi pas?
Qui, lui?
Sûrement aussi!
Et nous?
Non! Seulement les fous.
Flavio
Bloc-notes et agenda (1055, 1145)
Il n’y a pas de poésie dans la nature. Elle est le sceau de l’homme sur les choses de la création.
Je préfère de beaucoup, entendre dire par certains que je n’occupe pas la place qui m’est due, à penser moi-même qu’il m’a été accordé un rang dont je ne serais pas digne.
La Voix humaine (Jean Cocteau)
Comparaison
Comme un koala
Comme un courant d'air
T'es belle comme un camion de briques
Comme un train électrique
Dans la vitrine de chez Weber
T'es belle comme un jour de grève
Belle comme le Salève
Depuis Collonges
T'es belle comme un panier de prunes
Belle comme un coup de lune
Comme les jours qui s'allongent
T'es belle comme un radiateur
Belle comme un chou-fleur
Belle comme un crayon
T'es belle comme du blé qui pousse
Comme le Petit Larousse
A la page des avions
T'es belle comme un toit d'ardoise
Un bonbon framboise
Qui colle dans les poches
T'es belle comme un arrosoir
Comme une pile de mouchoirs
Comme un manche de pioche
T'es belle comme la tour Eiffel
Belle comme une poubelle
Comme un champ de colza
T'es belle comme des vieilles chaussures
Comme une chanson de Couture
Et cetera
T'es belle comme la tour Eiffel
Belle comme une poubelle
Comme un champ de colza
T'es belle comme un dessin de Poussin
Une chanson de Desjardins
Et cetera...
Sarcloret, Comparaison n’est pas raison,
Chant song
Chant song
Rivière river
Garden rêveur
Petite house
Little maison
Chant song
Chant song
Bleu song
Et oiseau bleu
Blood sang
And bird oiseau
Bleu song red sang
Chant song
Chant song
Blue song
Et oiseau bleu
Blood sang
And bird oiseau
Blue song red sang
Oh girl fille
Oh yes je t’aime
Oh oui love you
Oh girl fille
Oh flower girl
Je t’aime tant
Oh girl fille
Oh oui love you
Moon lune
Chant song
Rivière rêveur
Garden river
Rêve dream
Mer sea
Thank you
Moon lune
Thank you
Mer sea
Children enfant
Mer sea
Time temps
Oh flower girl
Children enfant
Oh yes je t’aime
Je t’aime tant
T’aime tant
Time temps
Et tant et tant
Et tant et tant...
Et temps.
Jacques Prévert, Chant song
En vrac (1013)
En vrac (1011)
En vrac (1010)
Il n’y aurait jamais eu de poètes ni d’artistes d’aucune sorte au monde s’il n’y avait jamais eu que des hommes capables de s’adapter parfaitement au monde tel qu’il se fait.
Portrait de Esther Granek
Ballades et réflexions à ma façon
Toi
Toi c’est un mot
Toi c’est une voix
Toi c’est tes yeux et c’est ma joie
Toi c’est si beau
Toi c’est pour moi
Toi c’est bien là et je n’y crois
Toi c’est soleil
Toi c’est printemps
Toi c’est merveille de chaque instant
Toi c’est présent
Toi c’est bonheur
Toi c’est arc-en-ciel dans mon coeur
Toi c’est distant…
Toi c’est changeant…
Toi c’est rêvant et esquivant…
Toi c’est pensant…
Toi c’est taisant…
Toi c’est tristesse qui me prend…
Toi c’est fini.
Fini ? Pourquoi ?
Toi c’est le vide dans mes bras…
Toi c’est mon soleil qui s’en va…
Et moi, je reste, pleurant tout bas.
Esther Granek, Ballades et réflexions à ma façon, 1978
La nuit remue
Ma vie
Tu t’en vas sans moi, ma vie.
Tu roules,
Et moi j’attends encore de faire un pas.
Tu portes ailleurs la bataille.
Tu me désertes ainsi.
Je ne t’ai jamais suivie.
Je ne vois pas clair dans tes offres.
Le petit peu que je veux, jamais tu ne l'apportes.
A cause de ce manque, j'aspire à tant.
A tant de choses, à presque l'infini...
A cause de ce peu qui manque, que jamais tu n'apportes.
Henri Michaux, La nuit remue, 1932
L'homme qui penche (13)
Mady est toute maigre.
Une ou deux fois par semaine on lui fait des électrochocs, puis on la ramène, gisante, toujours plus absente, avec cette difficulté d’atteindre chaque fois ce qu’elle voudrait dire. Elle n’est plus qu’un regard qui nous cherche.
Simple petite rose
du regard.
Où nous sommes.
Où se maintient la rose.
Thierry Metz, L’homme qui penche, 1997
L'homme qui penche (8)
Je note chaque heure ou chaque jour des choses qui n’ont sûrement aucune importance. Hors pavillon.
Aujourd’hui, Aurélie a dessiné un chat et un arbre.
Aujourd’hui, j’ai longuement parlé avec une jeune infirmière, une stagiaire qui s’intéresse à mon cas.
A midi, au self, Raymonde a rapporté son plateau.
Aujourd’hui, Denis n’allait pas bien, tellement énervé qu’on ne comprenait pas ce qu’il disait.
Voilà, aujourd’hui c’est le 24 octobre. Dans le parc, les jardiniers ont commencé à ratisser les feuilles.
Thierry Metz, L’homme qui penche, 1997
L'homme qui penche (1)
CENTRE HOSPITALIER DE CADILLAC EN GIRONDE, PAVILLON CHARCOT. OCTOBRE 1996
1.
C’est l'alcool. Je suis là pour me sevrer, redevenir un homme d'eau et de thé. J'envisage les jours qui viennent avec tranquillité, de loin, mais attentif. Je dois tuer quelqu'un en moi, même si je ne sais pas trop comment m'y prendre. Toute la question ici est de ne pas perdre le fil. De le lier, à ce que l'on est, à ce que je suis, écrivant.
Thierry Metz, L’homme qui penche, 1997
Cambouis (28)
Penser qu’un poème n’est jamais qu’un moment de vie, aussi bien pour celui qui l’écrit que pour celui qui le lit. Ce moment n’a pas besoin d’être décisif, mais il doit amener à une plus forte intensité d’être.
Antoine Emaz, Cambouis, 2009
Cambouis (108)
Travailler comme un maçon : autant l’armature peut être grossière mais sûre, forte, autant la finition doit être fine.
Antoine Emaz, Cambouis, 2009
Cambouis (147)
Cyclothymie. Bien sûr, on va plus vite dans les périodes d’enthousiasme, on déblaie, on fait allègrement la grande lessive. Mais, dans les périodes de déprime, on va plus loin, au fond.
Antoine Emaz, Cambouis, 2009
Cambouis (173)
Il n’y a que rarement de quoi être fier. En gros, c’est aussi peu fréquent que d’être honteux. Pour le courant des jours, on se contente de rester en zone neutre, moyenne. On peut se regarder dans la glace, mais on n’y voit pas de quoi se plaire ou se détester.
Antoine Emaz, Cambouis, 2009
Cambouis (177)
Toujours se méfier du brio, du brillant. La poésie, vue de ma fenêtre, comme un art du peu, du pauvre.
Antoine Emaz, Cambouis, 2009