Lendemain de carnaval

Que vous donniez le bras au porte-drapeau, que vous soyez l’un des fier élus à la tête du cortège, ou que vous alliez clopin-clopant ratisser les mégots nichés entre les pavés, il ne restera rien lorsque la foule se dispersera. Ou si peu : les colonnes vides des pertes et des gains, des confettis, le ciel bleu d’airain contre lequel le temps bute, la bière âcre. La pluie a remis les compteurs à zéro, les nuages nous saluent avant de filer à Saint-Jacques ou pousser jusqu’à Jérusalem.
Oubliée au pied du réverbère, pas effrayée pour un sou, serrée dans les mâchoires d’une invisible nécessité, la graine de l’an passé s’est enhardie. Trois petits bourgeons épongent le tintamarre des cortèges de la veille et font oublier l’omniprésente pauvreté.
Tu t’assois sur le banc, secoues un rameau qui traînait là, le trempes dans la poussière pour écrire sur le macadam quelques lettres, hésitantes, flottantes, qui s’envolent bien vite.

Jean Prod’hom