L’abri


La nuit prend si vite ses quartiers le soir que les hommes se retirent promptement, fanfarons parfois, sur les îles qu’ils ont aménagées le jour. Depuis le temps la débandade est organisée.
La nuit ne laisse rien au hasard et s’insinue partout. Seul le ciel noir mité comme une feuille de millepertuis clignote de toutes parts, c’est qu’une fête se déroule là-bas, au-delà des Sablonnières. Plus rien n’est à craindre ici, les maisons sont calfeutrées et derrière leurs paupières les hommes s’abandonnent confiants à ce qui ne se voit pas. Dehors l’obscurité accroupie sur le seuil attend sagement, les écorces enlacent le coeur des grands échassiers qui sommeillent les yeux grand ouverts.
Demain à midi, lorsque la nuit ne sera qu’une ombre, je jetterai un coup d’oeil du côté du couchant et me réjouirai du soir, lorsque la nuit tombe à verse.

Jean Prod’hom

Da capo

J’avance somnanbule dans un monde strié par le va-et-vient du jour et de la nuit, vêtu des lambeaux d’un récit rapiécé qui enchante cependant ma vie. Il raconte, drapeau blanc, mon appartenance à l’espèce mais ne me réchauffe guère.
Il me faut aller tête baissée dedans le brasier, lever la tête qui est dans ma tête, regarder à gauche, regarder à droite, prendre et déposer comme l’abeille le fait avec la fleur du pommier cet autre dont j’ai besoin, dans un monde sans image, et ensemencer la page qui peine à faire voir le feu dont on est fait.
Le roncier s’est refermé derrière moi, je ne reverrai plus la clairière patiemment dégagée. Il me faut recommencer.

Jean Prod’hom

Dimanche 28 février 2010

L’eau noie les songes creux et dissémine les pensées qu’on croyait éternelles. Demeurent nos vies qui s’allègent jusqu’à la ruine et pour lesquelles on mendiera un jour encore.
J’aperçois le vieux qui brasse la neige, seul dans le bois, il va à la lisière visiter ses abeilles qu’on entend lorsque le soleil guigne. Les ruches enflamment une dernière fois les alentours. Sera-t-il avec elles ce printemps?
Comment rassembler les promesses qui débordent avec les mots d’avant? Comment contenir ce qui va sans se retourner? Je demeure en retrait et assiste à la poussée de ce à quoi je serai peut-être convié.

Jean Prod’hom