Dimanche 29 novembre 2009

Le bois mort rode sur l’aire de pique-nique et la fumée se mêle aux doigts calcinés des frênes, les taupes taupinent et les corneilles mastiquent les restes de la belle saison, entre les vieux tonneaux, quelques citernes rongées par la rouille et les pneus orphelins de la décharge de Montgesoye. Les cris des tronçonneuses trouent les collines dont on voit déjà les collets.
Le désespéré d’Ornans s’acharne sur une lyre prisonnière de la roue à aubes en miettes du moulin à Faux, les yeux exorbités, la luette frémissante, bris de céramique, fers forgés et radiateurs.
La Loue file sans broncher vers le Doubs, elle emporte le ventre d’un poisson en loques qui a rendez-vous avec le sud, le bus Besançon-Pontarlier est vide, les casques d’une douzaine de motards sont alignés sur l’unique table de la terrasse du restaurant-pizzeria-grill-salon de thé-glacier-crêperie du Dolmen. Et tandis que je fais les comptes près de Vuillafans, entre le barrage de Bersaillin et celui de Pasteur, j’aperçois sur la rive gauche de la rivière qu’elle touche à peine une plume blanche. Elle déjoue les plans de la providence et remonte muette la pente de la Loue.

Jean Prod’hom

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C’est autour d’un axe invisible situé à l’angle de l’angle mort du jour que courent les aiguilles de nos heures. Elles balaient morceau par morceau les choses qui s’enfuient d’orient en occident avant que la nuit, la nuit, l’angle de l’angle mort du temps ne remonte la belle machine.

Jean Prod’hom

Ça roule

Vite, vite filer, filer au nord. Et filant au nord croiser ceux qui filent au sud. Pourquoi vont-ils à contre-sens? Satanée route, petites têtes agitées amoureuses de la Costa Smeralda, amateurs de fin de semaine, dépassements, coques et restes, rouge écrevisse. Filez au delta, traîtres, filez au mur mou des rêves fades.
Demeurer donc coûte que coûte à droite et sourire à la farce.
Rester ferme, danger, sourire à ceux qui dépassent par la gauche, ils filent au nord, les laisser filer, ne pas vouloir les rattraper, qu’ils se débrouillent à Frederikshavn, il n’y a rien, la Baltique peut-être.
Au milieu de la nuit sur une semi-autoroute, perdu, sans Eléonore, dépassé par les croisés, j’attends le soleil. Et si le soleil ne revenait pas?

Jean Prod’hom