L'arche de Noé

Les 805 invités dormaient déjà dans les soutes. Se pointèrent alors deux escargots exténués. Manquait le 807ème et dernier couple. Noé patienta une paire d’heures, puis appareilla. À la poupe de l’arche, deux carpes battaient des mains.

Jean Prod’hom
27 mars 2010

XII

Son plus beau souvenir? Avec les copains des Jeunesses campagnardes de son village, lorsqu’ils se sont tiré la bourre sur le Mékong avec des motos-godilles.

Jean Prod’hom

Dimanche 22 mars 2009

J’avais perçu de l’agitation près du poulailler, c’était un verdier fou, retenu prisonnier dans la cage à lapins. Le chat dansait en prélude à la mise à mort que lui dictait son sang. Ni le chat ni l’oiseau ne semblaient capables de résoudre l’énigme qui les avait réunis là et tenus à distance. Ni l’un ni l’autre ne franchiraient les mailles du treillis.
Le chat s’enfuit, les portes du ciel s’ouvrent, le verdier s’y lance.

Ceux que j’ai aperçus lors de leur première virée l’autre matin dans le mélèze, sur la barrière d’acacia ou dans l’air tiédi ont disparu. L’hiver s’est installé à nouveau, giboulées, l’eau cachée dans la neige, les volets qui grincent, les volets qui claquent. Les hommes, les oiseaux et le cortège des saisons ont fait marche arrière.
Où demeurent-ils? Où passent-ils l’hiver. Je les imagine l’oeil clos dans les troènes, immobiles dans les anfractuosités de granit, au pied meuble des mélèzes. Sang froid dit-on! Sentiment d’abandon plutôt, état de déréliction, étanche aux efforts de la raison – j’ai essayé de comprendre en vain.
Dans le jour et la nuit confondues, cachés dans les inégalités de la roche, tapis dans le désordre les haies, d’invisibles oiseaux sans sommeil tiennent en respect nos arrogances, rappellent nos trahisons et notre condition.

Jean Prod’hom