Dimanche 22 mars 2009

J’avais perçu de l’agitation près du poulailler, c’était un verdier fou, retenu prisonnier dans la cage à lapins. Le chat dansait en prélude à la mise à mort que lui dictait son sang. Ni le chat ni l’oiseau ne semblaient capables de résoudre l’énigme qui les avait réunis là et tenus à distance. Ni l’un ni l’autre ne franchiraient les mailles du treillis.
Le chat s’enfuit, les portes du ciel s’ouvrent, le verdier s’y lance.

Ceux que j’ai aperçus lors de leur première virée l’autre matin dans le mélèze, sur la barrière d’acacia ou dans l’air tiédi ont disparu. L’hiver s’est installé à nouveau, giboulées, l’eau cachée dans la neige, les volets qui grincent, les volets qui claquent. Les hommes, les oiseaux et le cortège des saisons ont fait marche arrière.
Où demeurent-ils? Où passent-ils l’hiver. Je les imagine l’oeil clos dans les troènes, immobiles dans les anfractuosités de granit, au pied meuble des mélèzes. Sang froid dit-on! Sentiment d’abandon plutôt, état de déréliction, étanche aux efforts de la raison – j’ai essayé de comprendre en vain.
Dans le jour et la nuit confondues, cachés dans les inégalités de la roche, tapis dans le désordre les haies, d’invisibles oiseaux sans sommeil tiennent en respect nos arrogances, rappellent nos trahisons et notre condition.

Jean Prod’hom

Récursivité partielle

Le naïf et le désespéré, le pain, la paix, la question du mal, le trait, le coq, la béatitude, la taupe, le passe-partout, amonceler, l’horizon et la glèbe, le chaton, l’arrosoir, courir, l’hésitant et l’obstiné, la veille ou l’ivresse, clore, le grégaire, le foutoir, l’idiot, la corrosion ou la conception, tracer, la contemplation, l’histoire, le jardin, le voleur, la lenteur, le vecteur, les merveilles, peaufiner, chiner, les cendres, les pins, l’interrogation, le couac, saper, l’épitaphe, le dégagement ou la glu, incliner, la crête, le geyser, le sourire, esquisser, citer, cintrer, la souris et le charbon, l’hominisation, le parc, l’odieux, le linge ou le bain, graver, repérer, la disposition et la rage, la levure et le senteurs, le réveil bleu, le réveil rose, faner, l’altitude, détecter, la tâche, l’alternative, manger ou succomber, le moindre mal, l’économie, le héros, le commerce, la cuisine, les bourrasques, l’hic et le nunc, le couac, la portée, l’eau, l’obstacle et le bisse, l’ouverture, le sauvage, la fin de la semaine et début du mois, les nombres premiers, enflammer,les bartasses et les grillons, les combles ou l’aurore, la domination, jouer et s’éloigner, le talus et le coquelicot, l’agréable, le lilas, les foins, vendredi, la cave, les victimes, le chèvrefeuille, l’acacia, l’acacia et le chèvrefeuille, et le lilas.

Jean Prod’hom

De sortie

Au passage du bus – à l’entrée de Dugny – un geai lourd bat de l’aile, il s’arrache avec peine et s’envole lourdement, presque à la verticale, il file entre deux vieux pommiers pleins d’arthrose; le bleu de son miroir alaire disparaît derrière les branches recouvertes de lichens, je pense au pic-vert, même allure, qui a pris le même chemin entre deux foyards, la semaine passée dans les contrebas du Biollut. Je pense encore à la buse qui a attendu mon passage toute la semaine sur le plateau de Sainte-Catherine, à tous ces oiseaux entrevus qui se méfient de mes allures sans pour autant bouder tout à fait ma compagnie.
Une bergeronnette sautille un peu plus haut, l’herbe brûlée par la neige se soulève sous ses pas menus et se bombe.
Un merle rentre les épaules à la sortie du hameau et s’éloigne du bord de la route tandis qu’une trentaine de choucas tournent dans le ciel bleu. Dugny est déjà derrière nous.

Jean Prod’hom