Jardin (Célestin Freinet XXXI)

Riau Graubon / 15 heures

Le matériel, les locaux, doivent être réalisés non pas objectivement, pourrais-je dire, mais en fonction d’abord des enfants qui en seront les usagers; et non pas des enfants tels que nous les désirerions, mais tels qu’ils sont véritablement; non pas dans un milieu particulier, imaginé et organisé du dehors, mais dans le milieu normal et véritable des enfants. Les immeubles abritant les industries modernes ne sont-ils pas conçus et réalisés en fonction des machines qu’ils sont destinés à recevoir? Et le matériel lui-même n’y est-il pas essentiellement fonction – et exclusivement – du but pratique qu’on se propose?
On avait pensé que, pour les enfants, une grande salle rectangulaire ou carrée, haute de plafond, uniforme pour toute la France, pour tous les âges, avec quelques livres interchangeables aussi, était un cadre suffisant. On laissait à l’instituteur le soin de parer par son ingéniosité à la pauvreté matérielle, à l’inconfort des locaux et d’adapter tant bien que mal ses techniques aux exigences du milieu et à la détresse des outils de travail. Seules pouvaient y réussir quelques personnalités d’élite, placées dans des circonstances particulièrement favorables. Dans l’ensemble, c’était l’échec. Des techniciens vous diraient: échec prévu, matériellement certain, conséquence normale de conditions foncièrement illogiques de travail. […]
– Je vois cela: une sorte d’usine en miniature, avec travail à la chaîne, où l’individu sera happé par la machine, dominé par l’organisation, asservi et abêti… une éducation mécanicienne qui sera la mort de l’esprit!… mieux vaut encore notre anachronique éducation philosophique, toute imparfaite et désordonnée qu’elle soit…
– Vous ne m’avez pas encore compris… Vous ne me voyez pas, moi, le farouche et libre travailleur des champs, partisan pour mes enfants d’une école à la chaîne!…

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
Une éducation du travail

Davignac | 2 juillet 2017

Cher Jean,

Mon mail m’est renvoyé (« … to inform you that your message… »). Je reviens au papier pour te souhaiter la bienvenue dans la confrérie des retraités. Le métier nous a tenus debout, envers et contre tout. Les tessons, le crayon, le monde rieur – plus ou moins – aident à aborder le temps de l’après.
Le froid et la pluie règnent sur la montagne limousine. Je te souhaite un bel été. De bonnes vacances n’a plus de sens.

Amitié.
Pierre

Bibliothèque (Célestin Freinet XXX)

Riau Graubon / 15 heures

Parce qu’ils ne pouvaient plus voler, les scoliastes ont tenté de couper les ailes à leurs victimes. Le plus triste est qu’ils aient partiellement réussi, qu’ils aient fait une guerre souvent victorieuse à l’activité, à la joie, à l’élan; qu’ils aient persuadé les fils des hommes qu’ils doivent être sages, mesurés, humbles, dociles au devoir; qu’ils les aient retenus au bord du nid où ils se préparaient à prendre leur envol et qu’ils leur aient désappris, au nom de leur science, l’audace physique et intellectuelle qu’ils portaient en leur nature généreuse. […]
Heureusement quelques natures plus frustes, ou plus solidement marquées par le destin et qui ont échappé à la grande entreprise d’assagissement– non seulement des génies, mais aussi vos cancres parfois, vos ignorants, les indisciplinés – ont pu encore prendre leur envol, échapper à la direction jalouse de leurs maîtres et partir en avant, témoins obstinés de la pérennité de notre idéal.

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
Une éducation du travail