Davignac | 2 juillet 2017

Cher Jean,

Mon mail m’est renvoyé (« … to inform you that your message… »). Je reviens au papier pour te souhaiter la bienvenue dans la confrérie des retraités. Le métier nous a tenus debout, envers et contre tout. Les tessons, le crayon, le monde rieur – plus ou moins – aident à aborder le temps de l’après.
Le froid et la pluie règnent sur la montagne limousine. Je te souhaite un bel été. De bonnes vacances n’a plus de sens.

Amitié.
Pierre

Bibliothèque (Célestin Freinet XXX)

Riau Graubon / 15 heures

Parce qu’ils ne pouvaient plus voler, les scoliastes ont tenté de couper les ailes à leurs victimes. Le plus triste est qu’ils aient partiellement réussi, qu’ils aient fait une guerre souvent victorieuse à l’activité, à la joie, à l’élan; qu’ils aient persuadé les fils des hommes qu’ils doivent être sages, mesurés, humbles, dociles au devoir; qu’ils les aient retenus au bord du nid où ils se préparaient à prendre leur envol et qu’ils leur aient désappris, au nom de leur science, l’audace physique et intellectuelle qu’ils portaient en leur nature généreuse. […]
Heureusement quelques natures plus frustes, ou plus solidement marquées par le destin et qui ont échappé à la grande entreprise d’assagissement– non seulement des génies, mais aussi vos cancres parfois, vos ignorants, les indisciplinés – ont pu encore prendre leur envol, échapper à la direction jalouse de leurs maîtres et partir en avant, témoins obstinés de la pérennité de notre idéal.

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
Une éducation du travail

Place Saint-Maurice 2 (Célestin Freinet XXIX)

Annecy / 10 heures

[…] Croyez-vous que le désir de connaître et d’agir ne puisse pas être, à certains moments de la vie, aussi impérieux, aussi dynamique que le souci de satisfaire la gourmandise? Je ne dis pas que l’un puisse et doive remplacer l’autre, et ce n’est pas ainsi que nous devons poser le problème. Devant un beau cerisier chargé de fruits mûrs, la tentation est irrésistible. Mais l’enfant satisfait physiologiquement a cependant conscience de ne pas avoir rempli son destin. Pour accroître sa puissance, pour porter au maximum l’intensité de sa nature exigeante, il est capable de faire bien des sacrifices. Le secret pour nous c’est de ne pas amortir ce désir, ne ne pas refroidir cet enthousiasme, parce que l’un et l’autre seront les leviers décisifs de notre éducation. […]
Ce n’est point de cette terne uniformité que vous leur offrez dans vos livres que les élèves ont soif, mais de chaleur, de froid, d’éclat, de chocs, de cris, de chants, d’efforts… ils sont comme une corde dont la nature est de vibrer. Vous craignez qu’elle casse et vous allez réduisant les réactions, amenuisant les choses, ménageant à l’excès les transitions inutiles. […]

Célestin Freinet, Oeuvres pédagogiques I,
L’Education du travail, 1949
Une éducation du travail