Tu voudrais gravir l’escalier du ciel

Tu voudrais gravir l’escalier du ciel, te changer en une clarté d’un or pâle et faire pleuvoir tes rêves sur la nuit, sur les eaux ténébreuses, sur le long sommeil agité des hommes, sur les forêts incendiées.

Asli Erdogan, Le Bâtiment de pierre

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On aperçoit la Maison de l’Écriture de Montricher sitôt passé le Signal ; elle disparaît lorsqu’on entre dans le bois de Pélapy, prend des allures de ruine lorsqu’on remonte de l’autre côté du Veyron. En quittant l’Auberge du Chêne de Pampigny, deux petites heures suffisent pour se retrouver au pied de l’un ou l’autre des nonante-six piliers de la lourde canopée.
Cet après-midi les cabanes d’écrivain étaient encore inhabitées, l’accès à l’auditorium barré, la bibliothèque déserte, les livres neufs et fermés. On s’est demandé, Frédéric et moi, si la petite maison adossée au Devens, de l’autre côté de la route qui grimpe jusqu’au Grand Chardève, n’aurait pas fait l’affaire.

J’ai rencontré ce matin Sami et Tina

J’ai rencontré ce matin Sami et Tina à la Croix-d’or, à deux pas de l’entrée du chapiteau installé pour l’hiver sur la place d’Armes. Zapata les a engagés pour la prochaine saison, ils travaillent dur.

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On a bu un café, parlé de choses et d’autres ; pas simple de vivre aujourd’hui du cirque, on a bien ri quand même. Il se sont mariés l’été passé, civilement. Faut dire que lui est turc, musulman, plutôt agnostique, mais croyant lorsque les choses vont mal. Elle, elle est française, catholique par ses parents, résolument athée aujourd’hui, mais elle n’hésite pas à prier avant d’entrer en scène. Voilà.
Ah! j’oubliais, ce sont des funambules. Vous aimeriez sans doute beaucoup Sami et Tina.

Il n’est pas rare que des associations

Il n’est pas rare que des associations invitent des intellectuels, des essayistes ou des philosophes à s’adresser à de jeunes enfants sur l’un ou l’autre des aspects essentiels de notre vie : la musique, l’image, le bruit, le temps, l’espace, le nombre… Ces conférences que des éditeurs intelligents mettent parfois sur le marché me sont toujours apparues comme des moments de grâce, ne laissant guère d’ombre et me persuadant la plupart du temps que je suis assez compétent pour être du côté de ceux qui savent, face à des gamins qui ont encore tout à prouver.
Mais en temps normal, quand ces grands hommes s’adressent à leurs pairs, travaillant à l’oeuvre dont se souviendra la postérité, je me retrouve comme les enfants de tout à l’heure, mais sans la sollicitude et la patience qu’ils leur ont témoignées, avec le sentiment d’avoir été trahi par ma suffisance. Me voici précipité dans un profond désarroi, assistant défait au passage de ce quelque chose dont ils sont à coup sûr les détenteurs, qui transite dans une langue et une érudition de si haute tenue qu’ils m’obligent à rester à bonne distance. J’aperçois bien ici ou là quelques lueurs, mais ce sont des lueurs qui passent sans m’éclairer, me convainquant surtout qu’il est trop tard et que je n’y arriverai pas.
Je me console alors en espérant que ces intellectuels, ces essayistes ou ces philosophes prendront un jour la voie du milieu et qu’ils daigneront m’offrir, en s’adressant à l’adolescent que je suis demeuré, le chaînon manquant.

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