Novembre m’a requis toute l’année

Cher Pierre,

Novembre m’a requis toute l’année et j’espère que l’exemplaire que j’ai confié aux Postes t’est parvenu, à moins qu’il ne s’attarde en chemin. On le vernit demain à Estavayer.
Novembre, c’est le récit d’un voyage à pied d’un peu plus de dix jours, d’Orbe à Soleure, à travers le bassin versant de l’Aar. En compagnie de chardonnerets, de blocs erratiques et de betteraves, mais aussi de Robert Walser, de Jean-Jacques Rousseau, du confesseur de Louis XIII et d’autres morts bien vivants. Ce voyage m’aura donné l’occasion de m’inquiéter et de m’émerveiller, avec eux, des traces que l’histoire a laissées dans le pays des Trois-Lacs, et des grandes manoeuvres de notre temps.
Mais ce récit, c’est aussi une méditation, modeste, sur la vie, dans l’ombre et la lumière d’un vieil ami qui se meurt, un homme qui a fait son temps, le sait et y consent. 

Je crois pouvoir dire que cette première année de retraite, et l’expérience qui l’a nourrie, m’aura convaincu de la double tâche qui nous incombe et que deux peintures, l’une à Soleure, l’autre à Venise, illustrent dans Novembre.
Dans la première, une mère tend à son fils une rose qu’elle a cueillie, tandis que celui-ci tient un vase pour la recueillir. Ainsi le monde qui passe, de main en main, de vase en vase, de génération en génération.
Dans la seconde, un homme d’un certain âge est assis à sa table de travail; il regarde par la fenêtre et s’échappe, il n’est plus là, il a quitté le monde.
Nous avons nous aussi à passer en ce double sens: remettre le monde que nous habitons à ceux qui viennent après nous, le leur passer, comme au jeu du furet. Mais aussi passer nous-mêmes, chaque jour, et un jour pour toujours.


Ici, dans le Jorat, les feuillus se sont mis à flamber, 
c’est en novembre que les roses sont les plus belles. S’attarder, ralentir, le mois s’y prête bien.

Amitié.
Jean

A l’étang

C’était l’autre jour.
A la maison d’abord,
à l’étang ensuite;
avec Marjorie et François,
une journaliste et un photographe de Terre&Nature.

Jamais je n’en ai
autant dit.
J’ai reçu ce cadeau
aujourd’hui. C’est ici

 

Comme les cadeaux vont
souvent par deux,
j’ai reçu cet après-midi
un fichier de Vanessa;
elle écrit dans le journal
de la Broye. Vous voulez lire, c’est ici.

Octobre 2018

L’instant et son ombre.

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Inversion des ombres.
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Et la bise avec laquelle il faudra compter ces jours prochains.

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Elle dit, on dirait un dessin au fusain.

 
Salut,
T’avertir d’abord que j’aurais voulu t’envoyer une carte d’invitation, à toi et aux tiens; avec une belle image au verso, un gentil mot au recto et un beau timbre. Comme ça se fait habituellement. Je ne t’envoie finalement, par mail, que la cover et les rabats du bouquin. Les traditions décidément se perdent.
Disons que cette première année de retraite professionnelle aura passé vite, trop vite même, si bien que tout s’est précipité: octobre, la pluie et les circonstances.
Encouragé par les instigateurs de la landsgemeinde qui se réunira à Morat, à la fin du mois, pour discuter de l’avenir de la région des Trois-Lacs – qui va d’Orbe à Soleure et que j’évoque dans ce récit –, on fêtera NOVEMBRE en novembre.
N’hésite pas, 
le vendredi 9 novembre à 18 heures 30,
salle de l’Azimut,
avenue de la Gare 111 à Estavayer-le-Lac.
Il y aura 
le syndic d’Estavayer, un responsable de la culture, les éditeurs du bouquin et un coup à boire.
Bien à toi.
Jean P

*

Parce que le temps, qui est la grande affaire de la vie…

Chercher en vain une formulation – qu’on aimerait définitive – qui saurait dégager le lieu des arrêtés du temps, ou qui serait en mesure de laisser les temps déborder et se recueillir en un seul lieu, sans bord, où nous serions à nouveau rassemblés, vivants et morts. Sans plus avoir à craindre de ne pas en être. La réconciliation de l’homme avec le temps qui passe demandera encore toute notre énergie. Et l’histoire n’est peut-être que l’envoi différé de cette impossible réconciliation. Épaulée par l’oubli.

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Biarritz, marée montante.

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« Ils revinrent vers la fête foraine. Ils ne parlaient pas. Ils regardaient cette ville dont l’aube ne se retire jamais tout à fait, laisse aux quais gris sa lumière, prête sa tristesse aux hôtels de passage, et son chant aux bateaux qui vont partir. Ils sentaient cette aube dans la nuit d’août, près du port, imminente, avec la sonnerie des réveils, l’odeur du café au lait, les tartines où le beurre trop froid s’étale mal, la sirène du bateau qu’on doit prendre, les mots que l’on évite et le regard que l’on n’ose pas croiser, les valises que l’on ferme et le dernier baiser que l’on retarde – une aube, une séparation, rien de plus. »

(La Côte sauvage, Jean-René Huguenin)

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Non pas à l’avant de l’histoire, mais à l’arrière,

avec ce qui reste, les traces de son passage.

Personne. Ou quelqu’un.

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« Tous les participants du colloque se sont jetés dans les musées et moi à North Finchley dans ma vie passée. Je ne suis pas culturelle, il n’y a qu’une chose qui compte pour moi, saisir la vie, le temps, comprendre et jouir. »
Est-ce la plus grande vérité de ce récit?

*

Le velours du premier, surtout.