Histoire de l'art 1

A peine lisible, quelque chose comme un aphorisme calligraphié, il y a longtemps déjà, sur un mur délabré d’une maison à l’abandon: Qui n’a pas vu double n’a rien vu. Nulle explication nulle mention. Tant mieux!

A l’instant même où nous cessons d’être l’auteur de ce que nous avons écrit, où nous nous dégageons, à peine un instant, de ce que nous avons fait, à l’instant même où nous cessons d’en être le dépositaire, nous commençons à voir double: les choses enfouies naguère dans les plis de la conscience immédiate s’installent à mi-chemin de ce que nous étions et de ce que nous serons, au milieu.
Les choses dites, peintes, écrites, les choses représentées retrouvent un instant leur mystérieux quant-à-soi et le monde, à nouveau habité par des réalités qu’un autre nommera à son tour, s’élargit. Il y a place désormais pour un avenir de l’art.

Jean Prod’hom

Dans le Neguev

Il fait beau dans le désert du Neguev, le ciel est bleu, bleu sombre. Des soldats à la combinaison légère, manches retroussées, sont perchés sur le dos de leurs chars roses et puissants – ils ont la teinte des rochers du Tregor lorsque le soleil les caresse le soir. Les soldats visiblement désoeuvrés font sécher haut dans le ciel le drapeau étoilé bleu et blanc de l’état d’Israël tout juste sorti du salon-lavoir, ils sourient, voilà des hommes qui saisissent toutes les occasions de se réchauffer et qui ne vont pas au travail à contre-coeur. C’était avant-hier à la frontière de la bande de Gaza.
Mais ce matin il pleut sur Israël, et on peut observer sur la carte publiée à 0 heure 45 par l‘Israel Meteorological Service les températures prévues pour cet après-midi: il fera 16 degrés à Tel Aviv, 11 à Jérusalem, 16 à Haïfa… Quel temps fera-t-il à Gaza?
J’ai beau chercher, aucune trace de ce nom! La ville de Gaza a-t-elle disparu? La bande de Gaza a-t-elle été arrachée? Ni blessure ni cicatrice?
Le soleil insiste dans le désert du Neguev.

Jean Prod’hom