Dimanche 11 juillet 2010
La piscine publique située au croisement de la D541 et de la D414 mériterait toute l’attention des inspecteurs de l’UNESCO. Il y a d'abord le vaisseau solaire de Grignan, il guigne au-dessus de la visière de ma casquette dans le ciel de la Drôme, pareil à un satellite géostationnaire – ou à un OVNI, ce qui revient au même. On ne s'en s'étonne plus autour du bassin communal, pensez donc, 35 degrés à l'ombre.
Il y a ensuite le long bâtiment à claire-voie, décati, nu, parpaings sans crépi, qui date à n'en point douter d'avant la construction du château. A l'une de ses extrémités quelques cellules qui devaient permettre autrefois au baigneur de se changer à l'abri des regards, des sanitaires ensuite, à l'abandon. Puis le local dans lequel le baigneur, aujourd'hui encore, laisse ses vêtements en dépôt à l'intérieur d'une boîte en plastique rouge qui fait penser à un télésiège alpin des années 1960. A côté, la loge du gardien principal, absent depuis le début de la saison. Plus loin un maigre local pour stocker du matériel de sauvetage qui invite à la plus grande prudence. Au-delà l'espace colonisé par les habitués, qui se prolonge jusqu'à la buvette de plomb importée des plages de Normandie. On y réchauffe des crêpes.
Mais il y a surtout le rassemblement des gens qui ne disposent d'aucune piscine privée, – de moins en moins chaque année –, ils observent à fleur de peau le spectacle vrai et effrayant des corps, ceux des célibataires et des gens de passage, des veuves, des enfants buissonniers et des amoureux. une galerie d'un autre temps au pied de la collégiale, des corps presque nus se disputant, les pieds dans l'eau, l'enfer et le paradis. Pour deux euros seulement au croisement de la route de Rochecourbière et de l'avenue de Grillon.
Jean Prod’hom