(P. F. 1) Jean-Claude
La ruelle s’anime, le gamin se dresse immobile sur le perron du vieil immeuble, les habits de son grand-père sur le dos. Il alterne, la tête dans les pavés et les pieds dans le ciel. L’enseigne de la boîte de nuit clignote, un talon aiguille et les restes de la nuit traînent dans le caniveau. Une échelle est appuyée contre la façade un peu plus loin, le gamin a les cheveux en brosse, ses deux grandes soeurs ont déjà quitté la maison.
Un camion descend avec deux éboueurs sur le marchepied. L’enfant a deux yeux noirs, il fait tinter quelques pièces de monnaie qu’il garde au fond de l’une des ses poches. Il jette un coup d’oeil à la boutique du fleuriste qui sort ses roses et ses chrysanthèmes, à celle du glacier qui allume ses frigos et ses néons. Le gamin répète un poème qu’il devra dire bientôt. il peine à parler, ses mains l’aideront. C’est avec elles qu’il maintient vivant le morceau de oui qu’il garde enfermé quelque part.
Il a ouvert ce matin le dictionnaire à la page des icônes, il pense que c’est mieux ailleurs. Mais il craint qu’en quittant sa rue il ne revienne pas, qu’il s’égare et ne retrouve pas son chemin. Ou qu’il aille plus loin encore, parce qu’ailleurs c’est mieux. Alors, chaque fois qu’il le peut, il digresse sur le perron, immobile, droit comme une prière.
Jean Prod’hom