Ecriture qui ne peut pas se contenter d’écrire
L’indigent, les coudes sur la table, bataille derrière les brouillards qu’écarte le soleil de l’arrière-été, il est assis contre un arbre avec un papier et un crayon. Il ressemble à un déménageur, chemise à carreaux lie de vin, petites mains boudinées, doigts-hochets. Les enfants sont à l’école, leur mère à l’autre bout de la ville. Le chien a commencé de gros travaux qu’il ne terminera pas, il s’endort.
Nous sommes tous absents, aussi absents que ce dont on s’absente, voici ce qu’il se dit au retour, ni le vide ni le plein ne débordent de leur place, personne ne répond à nos demandes, nos vies sont des draps qu’on déplie.
Difficile de dire ce que c’est que dormir, ou voler, ou marcher, tout autant écrire où s’échangent ce que je fais de mes mains et ce que tu prends. Je cherche ce matin un peu de réconfort auprès des arbres qui m’épaulent. M’inquiète de ne pas m’être assez méfié des concessions, des pièges de la prétérition, de ne pas avoir pris assez de distance avec les propositions finales et leurs conséquences. Je quitte la cuisine.
Ecriture qui ne peut pas se contenter d’écrire.
Jean Prod’hom