Entre le Riau et le Torel
Plus d’un sage a loué son allure, sa légèreté, sa vivacité, sa fidélité aussi. Elle constitue peut-être ce qu’on peut faire de mieux au cours de notre existence, mais celle qui nous accompagne ne nous appartient qu’à moitié. Appendice d’une autre nature, elle est comme un rebord de nous dans le monde, ce qui nous y tient, ce qui coule de nous en lui et qui remonte pour nous y attacher par un bout. Elle est peut-être, s’il en faut, la plus haute des preuves de notre existence et de nos relations.
Elle fait un peu peur, te regarde tandis que tu gesticules, ou te tourne résolument le dos quand elle enfonce son nez dans le bitume.
J’aime les grandes ombres, démesurées, et les ombres joueuses qui font de nous des pantins au mouvement imprévisible, anges noirs libérés de la gravitation. J’aime aussi les ombres la nuit, les innombrables petites ombres nées de soleils de fortune, pâles copies, fantômes tremblants, ombres sans amarres, flottantes, indécises, qui rappellent lorsqu’on ferme les yeux la fragilité de nos existences.
Jean Prod’hom