Dimanche 8 août 2010
Deux ou trois choses qu’il est impossible d’embrasser d’une seule fois, mais qui mises ensemble permettent peut-être à celui qui en était comme à celui qui n’en était pas de comprendre ce qui se superpose dans la mémoire d’un seul à la mi-été et de lever le secret de certaines des parties qui nous font, en approchant l’infatigable tout dans lequel nous sommeillons.
Des renouées rose pâle bordent le miroir d’un lac de montagne. Non, pas le lac Noir, ni le lac des Chavonnes, mais l’autre, si près des commodités qu’on n’y croit pas tout à fait. On aurait même préféré des nénuphars et ce ne sont que des renouées, une nuée de renouées. Je les croyais jusque-là bistortes et des prés, je les découvre amphibies, accrochées derrière le tain de boues du lac de Bretaye. Elles longent en rangs serrés le rivage, mais comme si cela ne leur suffisait pas, elles colonisent de polygone en polygone la rive sud du lac. Un rang de prêles couleur bouteille les suit, avec derrière les maigres pâturages d’août dans lesquels se dressent quelques gentianes tête basse et des rumex boudés par le bétail. Plus haut, par une trouée entre les Chaux et le Col de la Croix, au pied du Mont Culan, j’aperçois Taveyanne, ou plutôt le souvenir de Taveyanne, une quarantaine de chalets mourant les jours d’été, petites taches noires qui ont roulé des Rochers du Vent. C’est là-bas que j’aurais voulu être tout à l’heure, dans l’ombre longue de son nom, lorsque les Muverans, la Dent Favre, la petite et la grande Dents de Morcles cisailleront le ciel dans mon dos, lorsque le soleil se couchera de l’autre côté et que se réveilleront de ce côté-ci les bruits des bêtes livrées pour une nuit à leurs affaires.
Jean Prod’hom