La maison en dur
La maison en dur que m'avait indiquée l'autre jour le menuisier au fond de l'Etivaz appartient bel et bien aux Henchoz, mais n'est pas celle qu'a occupée tante Denise lorsqu'elle était enfant. Michel, rencontré ce matin au bistrot, me décrit une autre bâtisse, un grand chalet situé un peu plus haut et constitué de deux parties. C'est celle de droite qu'occupaient autrefois Denise et sa famille. Michel me raconte au passage les démêlés des deux familles, nés d'une décision – de qui ? je ne me souviens plus, mais qui s'en souvient ? – de ne plus faner un bout de terre mais d'y faire pâturer du bétail. On ne partage pas les mêmes misères.
On parle de choses et d'autres, Michel a bien connu Nunus, médecin l'hiver aux Mosses, que je croisais souvent lorsque j'habitais célibataire la rue de l'Ale. Il ne l'a pas revu depuis quelques temps, un sacré fêtard, je l'ai croisé il y a peu, sombre et voûté, il pleuvait.
On achète du pain et on remonte au chalet, déjeuner sur la terrasse. Je prépare le pique-nique pour notre expédition au Lac Lioson, plus de 400 mètres de dénivellation, deux bonnes heures depuis le col des Mosses, les enfants grimpent avec le sourire, taillent leur bâton de noisetier lorsqu'on fait une pause, y gravent leur prénom, pas de plainte, l'envie même de recommencer demain.
On en redemande aussi, juillet est encore là, des fleurs en pagaille, l'altitude, l'eau du lac dans lequel Arthur se baigne, des raiponces, un lys martagon, quelques gentianes, les derniers rhododendrons, aconits et linaigrettes. Édouard nous rejoint à Praz Cornet.
Grand soir, nos deux filles ont réhabilité les lentilles dont elles ne voulaient plus entendre parler, il faudra battre le fer.
La fin de la journée suit scrupuleusement le programme de la fête nationale annoncé : le feu dans la nuit, une animation de province, Jacqui Nicolier, Pascal Dromelet et ses fils, Stéphania et Mélissa, 4 flambeaux, un thé. A notre table un rasta parle de liberté à un musulman qui fait le ramadan, les autochtones se plaignent du peu d'enthousiasme des estivants, on en est. Et pour qu'ils ne soient pas déçus de leur jugement à l'emporte-pièce, on remonte se coucher sans avoir goûté au tartipiat.
Jean Prod’hom