Dimanche 26 juin 2011
Doulce mémoire en plaisir consommée
O siècle heureulx que cause tel scavoir.
La fermeté de nous deux tant aymée,
Qui à nos maulx a sceut si bien pourvoir,
Or maintenant a perdu son pouvoir
Rompant le but de ma seure esperance
Servant d’exemple à tous piteux à veoir.
Fini le bien le mal soudain commence.
Pierre Sandrin (1490-1561)
Pierre Sandrin a mis en musique Doulce mémoire, un huitain attribué à François Ier, auquel Hugues Salel répond peu après en composant une jonglerie musicale, un rebours dont la principale caractéristique est de faire apparaître le premier vers à la fin et le dernier au commencement.
Finy le bien, le mal soudain commance;
O cueur heureux, qui mect à nonchaloir
La cruauté, malice et inconstance,
Qu’on voit souvent au féminin vouloir
La méprisant ne se pourra douloir:
Car la vertu croistra sa renommée,
Luy despartant pour si loyal devoir
Doulce memoire en plaisir consommée
Hugues Salel (1504-1533)
On a beau retourner les choses en tous sens, le dernier vers du huitain ne dit rien d’autre que ce qui est toujours déjà en route. Devenu premier vers du rebours il rappelle ce dont il est la fin, avec entre deux ce que la mémoire retient des plaisirs aux extrêmes de la lucidité. La fin est au commencement, on peut le regretter mais la vie n’est pas un palindrome, condamnés à s’y faire au plus extrême de la joie comme au plus profond de la peine.
Allons! ma belle commencer à ramasser l’herbe, le jour tombe, la nuit commence, on finira demain lorsque se lèvera l’aube. Ainsi passent nos jours.
Jean Prod’hom