De l'obscur à l'obscur
Ce que nous enseignent la lecture jointe à l’écriture, c’est l’usage modeste de nos deux mains sans lequel personne n’aurait la possibilité d’avancer, bancal et désorienté, et de passer, gauche et droit, de l’obscur à l’obscur. Le courage aussi de ne pas nous reposer sur l’idée qu’une voix autorisée viendra nous livrer un jour le fin mot de ce quelque chose sans nom qui élargit son empire, s’ouvre comme une fleur en se fragmentant dans un silence assourdissant, rythmant l’étendue de son insubordination en la communiquant à l’innocence du monde qui nous happe et nous enjoint de le servir.
Nous ne pourrons naturellement exclure que nous avons été victimes d’un quiproquo ou le jouet d’un plan divin compatible avec notre folie, et que tout s’effondre. Mais qui nous le dira ? Et cette parole nous délivrera-t-elle du désastre ? Soyons donc assurés que l’entreprise n’a pas été vaine, et que nous avons, les bras au large, frôlé et longé plus d’une fois ce qui aurait pu être s’il en avait été comme nous avons tenté de le dire.
Jean Prod’hom