Le moindre geste
Au beau milieu de l'année scolaire, je suis resté dans le petit bistrot au bord du terminus du tram. Impossible d'aller me rentrer dans ce lycée surnommé Faidherbe que je fréquentais, si on peut dire, depuis douze ou treize ans. Je suis resté dehors. D'être là, dehors, alors que ça n'était ni un jeudi, ni un dimanche, ni un jour de vacances, c'était la fête.
Fernand Deligny, cité dans l’Express Méditerranée, 2007
Voir la terre d’avant que l’homme assourdi par les formules du récit y établisse ses quartiers, la faire voir en écoutant les yeux fermés les refrains des hommes et le chant insensé des bêtes, en décalant les images de ce qu’on en dit, en dégageant nos gestes de nos intentions, en les suivant comme sur un écran, bref en rendant les images à elles-mêmes et des ailes aux mots, en leur laissant la bride sur le cou au risque de perdre le fil ou la raison, ou qu’il n’en reste qu’une, celle d’être là sans avoir à en répondre. On verrait alors que la terre tient ses promesses et qu’il n’y a aucune raison de s’en plaindre.
Jean Prod’hom