Première poussée du printemps
C’est venu de dessous, une poussée noire qui a desserré les pinces du gel, ça se préparait depuis quelques jours, elle est là, vague et débâcle, boue noire dans laquelle le premier printemps essaie de se tenir debout, mais il s’enfonce parce que ses appuis se dérobent comme les pieds d’une échelle auxquels on aurait oublié d’enfiler des bottes.
Le foehn a ouvert d’immenses chantiers, l’eau noire des rivières s’est attaquée aux talus. Dans les champs et les jardins détrempés, le bric-à-brac laissé à l’automne réapparaît, on croyait les canettes enterrées, les guirlandes des nuits de Noël au grenier : la campagne ressemble à la baie des Trépassés.
Ce matin les moineaux et cinq petites boules jaunes dans la plate-bande ont pris les devants, on est plusieurs à avoir desserré les dents. On attend confiants les répliques de cette première poussée pour fêter le nouvel an.
Jean Prod’hom