Non! Je n'ai pas l'air d'un brigand
De la route qui fait tenir ensemble Colonzelle à Grillon, le Mont Ventoux n'a rien d'un géant. Ce matin le mistral souffle en rafale sur la place de la Bourgade dont l'accès en voiture est barré. Cinq ou six femmes et un homme ont dressé des planches devant leur 4L ou leur Diane, réparti des cagettes de fruits et légumes. L'une d'elles attend, bras croisés devant un tas de melons, elle a l'air d'une de ces personnes qui ne doutent pas de la valeur de leurs produits, qu'elles les vendent ou qu'ils leur restent sur les bras. Pas grand monde toutefois pour acheter ses melons, il est peut-être un peu tôt, elle me rappelle cette femme qui attendait dès l'aube un client devant son vieux bus Citroën sur la route d'Alès.
Dernière saison pour les roses trémières dans les jardins oubliés, entourées toujours de plus près par la folle avoine. Sur le chemin de la coopérative, j'aperçois des gens intéressés par l'un des terrains viabilisés à vendre au bord de la route de Valréas, des gens comme vous et moi. Ils discutent à l'angle de la parcelle avec celui qui est vraisemblablement l'un des promoteurs du projet. La femme me regarde plein de soupçons, je l'ai croisée, elle et son mari, dans le village alors que je faisais des photos de la cour d'une maison fermée hiver comme été. Ils m'ont demandé si je photographiais la maison. Que non ! le banc de pierre. Ils n'ont pas paru satisfaits de cette réponse. Je n'ai pourtant pas la tête d'un brigand.
Balade au bord du Lez en famille, je me laisse décramponner pour observer le ballet des libellules, fais quelques photos. Ils reviennent une demi-heure après, Oscar court sans laisse et répond aux ordres de Sandra. Ce qui ne nous empêche pas, bien au contraire, de le laisser à la maison, seul, pendant qu'on fait un saut à la piscine de Valréas. Peu de baigneurs aujourd'hui, les aventuriers d'il y a deux jours sont absents. Le ramadam aurait-il à faire avec l'agitation de jeudi passé et expliquerait-il leur absence aujourd'hui ? C'est ce que semble sous-entendre l'un des médiateurs.
Arthur, Louise et Lili ont la piscine pour eux, sautent et plongent. Un encadrement maximum, les deux maîtres-nageurs, les deux médiateurs et, près de l'entrée deux policiers qui campent. Le mistral a raison de notre bonne volonté, malgré les conditions exceptionnelles des mesures de sécurité, on rentre.
Dernière sortie dans les dunes, longue boucle (91) avec Sandra, Louise et Oscar, tandis qu' Arthur et Lili regardent un film. On part demain pour Joyeuse. Le soleil se couche sur les collines derrière lesquelles on devine la vallée du Rhône, les éoliennes ont la dimension des fèves cachées dans les gâteaux des rois, la terre ocre flambe, les graminées poudrent d'argent la lavande, on croit qu'il neige à la cime des saules et au pied des chênes verts.
Un dernier passage dans la salle de bains avant de me coucher. Non! Je n'ai pas l'air d'un brigand.
Jean Prod’hom