Image de la connaissance
L'enseignant sera, dans les années qui viennent, aux prises avec des difficultés dont il envisage à peine le contour. L'une d'elles se précise toutefois aujourd'hui. Elle concerne la mutation de l'image de la connaissance dans la conscience des jeunes gens. Ils sont nombreux déjà, dans nos écoles, ceux qui croient que la connaissance est déposée dans des encyclopédies numériques mises à leur disposition, dans lesquelles il suffit de puiser ce que listent quelques moteurs de recherche, de le transférer sur un support au bas duquel l'ajout d'un prénom et d'un nom feront de ces simples opérateurs des experts.
Nous aurons donc à distinguer à nouveaux frais le savoir et la connaissance, c'est un fait essentiel. Car si le premier réside bel et bien dans les choses et les livres, la seconde ne se trouve pas hors les sujets vivants.
Cette importante mutation de l'imagerie a fait du chemin et les enseignants sont déjà quelques-uns à s'en être faits les complices, à leur insu peut-être. Dans un article publié par La Provence, Marcel Gauchet répond à Laurent d’Ancona.
En tant qu’instrument technique, Internet est un outil fantastique. Mais à travers lui, se joue une évolution de l’image de la connaissance qui porte beaucoup plus loin. Ce qu’on pourrait appeler une extériorisation du savoir. Il est déposé dans des banques de données, et il suffit de se brancher sur des sources disponibles. C’est pas la peine de se farcir la tête de choses pour lesquelles il suffit d’avoir la clé d’accès. En ce sens-là, Internet donne à ses utilisateurs l’idée qu’ils peuvent tout savoir sans rien savoir.
Marcel Gauchet
Aujourd'hui, le savoir est devenu facultatif",
in La Provence, 3 décembre 2008
Comment ne succomber ni à Charybde ni à Scylla, comment éviter d'être les hérauts d'une image surannée de la connaissance ou, contrits, les cassandres de sa disparition? En résistant et, à coup sûr, en imaginant! L'enseignant aura dans les années qui viennent à mettre sur pied des dispositifs simples, élémentaires, qui obligeront ceux qu'il forme à ne pas recourir à l'Internet et ses banques numériques, inutiles en la matière.
Il aura en effet à réhabiliter la connaissance du particulier que seul un travail hic et nunc permet d'approcher: connaissance de son quartier, rencontre de son voisin, approche du monde. De tout cela, la vie scolaire confinée dans des laboratoires toujours plus sophistiqués et couteux nous en a éloignés. Elle nous en rapprochera peut-être à nouveau, pour peu que nous le souhaitions.
C'est ce que réalisent depuis quelques semaines certains élèves du Mont-sur-Lausanne dans leurs notes journalières...
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Jean Prod’hom