Il plastronnait
Il plastronnait
dans les salles communes
enveloppé dans ses habits de titulaire
l'animateur de l’établissement
à la mâchoire de hyène
était le grand prêtre des loisirs
personne
au grand jamais
ne devait sortir du rang
les autres le suivaient
innocents
un signe sur le dos
ils allaient tous à l'abattoir
eux et leur animateur
pour l'assiette et pour le fun
Jean Prod’hom
La voix
La relation pédagogique prend fin
La relation pédagogique prend fin
lorsque l’élève découvre que l’ignorance de celui qui est supposé savoir
est de même puissance que la sienne
Jean Prod’hom
L’art est une paroi vertigineuse (R. Walser)
L’art est une paroi vertigineuse
dont on n’atteint le sommet
qu’en se laissant glisser
on tomberait de haut
si cils et paupières ne faufilaient
le ciel et le pré
Jean Prod’hom
La rivière
La rivière détournée
la vallée comblée
sainte Barbe au fond d’un réduit
Jean Prod’hom
Nous avançons
Nous avançons sans bien savoir
faisons de la lumière avec de la nuit
dans la nuit
Jean Prod’hom
Ce qui me détourne
Ce qui me détourne des fous de Dieu
ce n’est pas au grand jamais Dieu ou leur folie
mais ce à quoi ils tournent le dos : ce qui nous reste
Jean Prod’hom
Le TCPM, un club qui monte, monte, monte
Il y avait de quoi se réjouir samedi passé à Ropraz, les participants au concours interne n’ont pas manqué de le faire. C’était en effet la fête traditionnelle du Trial club Passepartout de Moudon.
A cette occasion, les résultats comptent moins que le plaisir de se retrouver tous : enfants, parents, frères et soeurs, responsables. C’est le moment de jeter un coup d’oeil sur la saison qui se termine et de se pencher sur la santé du club. Autour d’une fondue.
Le club est en pleine bourre, à preuve les 29 trialistes présents et leurs parents. La salle était pleine à craquer lorsque René Meyer a invité chacun des coureurs à se présenter, on n’en avait jamais vu autant. Parmi eux des tout jeunes, très prometteurs, à peine 7 ans, l’âge idéal pour commencer à pratiquer ce sport exigeant, mais qui est aussi un sport champagne. Venez les regarder sauter sur leur drôle de machine!
Comment comprendre l’attrait de ce club? Il y a d’abord l’encadrement de ces tout jeunes sportifs. Lors des entraînements, René Meyer et Jean-Daniel Savary ne les quittent pas des yeux, aidés par quelques parents qui n’hésitent pas à venir donner un coup de main le mercredi et le samedi. Il faut savoir qu’il y a quatre entraînements pas semaine : les mardi, mercredi, jeudi et samedi.
Camille Girardin de Vucherens, une fille qui progresse.
Si cette offre est aussi alléchante, c’est parce que les infrastructures du club sont exceptionnelles, certainement les meilleures de Suisse. Mais oui, à Ropraz, au Mélèze, au fin fond du bout du monde, certains viennent de loin pour profiter des installations et des compétences des entraîneurs: de Worb dans le canton de Berne, de Baulmes au pied du Jura, de Dombresson au-dessus de Neuchâtel.
Sans que jamais le club ne vende son âme. Les sportifs qui constituent le noyau du TCPM viennent en effet de la région. N’a-t-on pas entendu à l’occasion du discours de René Meyer les beaux noms de Sarzens et d’Hermenches, Vucherens et Corcelles-le-Jorat, Sugnens et Villars-le-Comte, Oron, Marnand et Thierrens?
Le TCPM de Moudon? Un club qui monte, monte, monte. C’est bon pour le trial, c’est bon pour les enfants de la région, pour toute notre région.
Jean Prod’hom
Personne désormais
Personne désormais ne se souviendra
de novembre sous les toits
des deux corps nus sous l’édredon
Jean Prod’hom
Bien se tenir
Bien se tenir et être poli
éviter les gens méchants
habiter une jolie maison
Jean Prod’hom
Un bois de hêtres
Un bois de hêtres
de l’encre
et un bambou
Jean Prod’hom
Loi du moindre effort
Pour Stéphane
La loi du moindre effort oblige celui qui veut bien l'honorer
d'engager des travaux sans commune mesure avec le gain
Ainsi marchent de concert le progrès et l’exploitation de l’homme par l’homme
Jean Prod’hom
Serres accrochées à tapis d'aigreur
Serres accrochées à tapis d'aigreur
ces beauté-là
paupières fanées
Jean Prod’hom
A la surface d’une poche retroussée
A la surface d’une poche retroussée
avec la mer et le ciel au bout de la langue
et une langue qui est comme une île
Jean Prod’hom
De la phrase qui a refroidi
De la phrase qui a refroidi
un sourire parfois
alors toutes les barrières se lèvent
Jean Prod’hom
Brouillard aux Tailles
La vieille de Pra Massin souriait de n’avoir eu
qu’un seul souci dont elle ignorait toujours davantage tout
mais qui s’était adouci à mesure qu’elle l’avait fait marcotter
Jean Prod’hom
Pas sûr que les gens se réjouissent avec toi
Pas sûr qu’on se réjouisse avec toi
à moins qu’on ne te prenne pour un idiot
va falloir le rester
Jean Prod’hom
Te retirer sur la point des pieds
Te retirer sur la point des pieds
lorsque la porte s’ouvre
tu y auras été pour quelque chose
Jean Prod’hom
L’échappée belle
Existe un tiers continent dont la traversée offre à nos vies
un joli chemin en prose
que les héros d’André Dhôtel ont balisé en leur temps
Jean Prod’hom
Dans le train de 8 heures 07
Pour Jean-Louis Kuffer
Dans le train de 8 heures 07 à destination de Venise
Pier Paolo Pasolini et Confucius
au fond du sac
Michaux et Simon Leys dans le brouillard
Alice Munro et Olivier Roy que je rencontrais pour la première fois
Kafka et Peter Sloterdijk
Thierry Vernet si discret
Philippe Sollers
Max Lobe et Marcel Proust évoquant les pierres de Venise
Jean Prod’hom
Le jour se lève
Chaque fois que le jour se levait
ça faisait coup d’état
on avait besoin d'innombrables "comme si" pour s’en remettre
Jean Prod’hom
L’ecclésiastique se prit les pieds
L’ecclésiastique se prit les pieds
dans une parabole qui se renversa
laissant filer son or dans le caniveau
Jean Prod’hom
CXXXIX | Lili écrit
- Je sais pas quoi écrire aux Sénéchal, pas d’idée.
- Envoie-leur un bec.
- Jamais, ils fument.
Jean Prod’hom
(FP) A l’écriture de faire entendre
Je prie mon épouse Fanchette née Favre
« Je prie mon épouse Fanchette, née Favre,
de donner mes habits, linge de corps aux enfants
pauvres de l’orphelinat d’Auboranges. »
(Pierre Pache, 28 mai 1869)
Plus de gamins dans l’ancien orphelinat
mais les chants d’une poignée de fidèles
Madeleine et un prêtre chaque premier vendredi du mois
Jean Prod’hom
Remettre à l’eau ces merdouilles
Remettre à l’eau ces merdouilles
et leur laisser une fois encore
trouver la terre où elles fleuriront
Jean Prod’hom
Le château
Que penser de l’homme qui n’aurait à la fin
pas même eu le temps
de dire trop tard
Jean Prod’hom
Le parquet
Pour Denis Montebello
« C’était l'époque des parquets. Des bals qu'on installait dans les villages, qui arrivaient comme les petits cirques, un matin ils avaient disparu. Ils revenaient à date plus ou moins fixe. »
Cinq francs c’était le tarif, paille de fer et huile de coude. Combinaison de lames aux V bancal, alternant leur débord sur le parquet à bâtons rompus du salon de Riant-Mont 4.
L’autiste que j’étais gravissait les pachons de ces échelles de Sisyphe, jusqu’à la frise d’encadrement – à laquelle j’ai repensé l’autre matin, en saluant Jean-David déchintrant son champ de betteraves.
Le pied coulissait sur la frise de chêne en prenant appui contre la plinthe ; la pantoufle de fer glissait sans effort sur l’encadrement, comme le mercredi après-midi avec Anne sur la glace de Montchoisi, main dans la main pour un dernier tour.
Petits tas de farine de bois, deux fois par année, deux fois deux heures ou deux demi-journées, je ne me souviens plus : le temps n’a ni cintre ni plinthe.
Il y avait bien sûr le bord crénelé aux mille promesses de mon salaire, que l’extrémité de mon index ferait bientôt rouler dans la poche, il y avait aussi le salon vide plein de cette rumeur que j’allais écouter parfois dans l’unique coquillage de la maison, mais il y avait surtout l’odeur de l’encaustique que ma mère appliquait au lendemain de mes travaux, au chiffon, et qui me submergerait lorsque je rentrerais de l’école.
Cette essence d’encaustique, qui se confond avec celle de ma mère, a occupé à nouveau la poche qui abrite mon coeur, ce matin, lorsque je suis entré aux Tailles, dans le salon de la vieille de Pra Massin.
Jean Prod’hom
La Broye
Fragments du dedans | François Bon
REMPART
Entretiens ceux du dehors, éclaircis ceux du dedans. Le problème de tes remparts, c’est qu’ils te sont invisibles. L’autre problème, c’est que parfois ils s’écroulent d’un coup. Un troisième problème, c’est qu’ils jouent si bien leur rôle de rempart qu’il arrive que tu ne t’aperçoives de rien.
François Bon
Où ai-je donc entendu cette musique qui ne m’est pas étrangère ? Qui se développe en se jouant des obstacles, comme un filet d’eau, et qui revient comme une question sans fond ?
Voilà que je me souviens, c’est chez le poète des fureurs et des mystères, et chez tous ceux qui vont, viennent, sans craindre de continuer et de recommencer.
Jean Prod’hom
Recoller les deux moitiés de sa vie
Arcangelo Corelli
J’ai souvent pensé, ces derniers jours, à la voix d'Henri Calet, celle qui habite ses chroniques publiées, après guerre, dans Combat et Réforme, et j'ai les larmes aux yeux.
A cause, peut-être, de toute la gentillesse de ceux que j’ai croisés ces derniers jours. J’en avais bien besoin avec la parution de Tessons. Il faut dire qu’il y a eu, cette dernière semaine, tellement de premières fois.
Ce matin j’ai reçu un message de Marc, un ami de l’autre moitié de ma vie, il nous a rejoints vendredi passé à l’Estrée. C’est lui, avec Jacques et Antonella, qui a fait le lien avec la moitié d’aujourd’hui. Voilà ce qu’il m’écrit.
La lecture de tes « tessons » m'a enchanté.
Il faut dire que je sortais tout juste des Frères Karamazov. Une tout autre vaisselle aux débris moins polis. Cette marotte un brin obsessionnelle te va comme un gant.
Je me suis laissé promener, étonner, conter.
Désormais, je n'arpenterai plus les plages tout à fait comme avant.
Merci !
Que ces merdouilles te ravissent et que mon commerce avec eux ne te laisse pas indifférent me réjouit. Je crois bien que ces merdouilles sont en train de tenir leurs promesses. Et d’avoir pu te revoir, Marc, à l’occasion du vernissage de ce petit livre, m’a permis de recoller, un bref instant, les deux morceaux de ma vie.
Que l’écrivain qui m’a ouvert les yeux sur la force de l’idiotie tienne une place dans la tienne ajoute quelque chose au bonheur de t’avoir rencontré.
Les personnes ont semblé contentes de ce 31 octobre, l’éditeur aussi. Mais la vie de ce livre un peu insolite et au caractère indécis sera difficile. Qu’il t’ait enchanté lui donnera une chance supplémentaire.
J’aurais bien voulu remercier tous les amis qui sont montés à l’Estrée, ceux aussi qui auraient voulu en être sans le pouvoir.
Voilà que ce petit livre ne roule pas seulement les morceaux égarés de la beauté du monde, mais aussi les morceaux de la bonté des hommes. Il va me falloir aller au grand air pour redimensionner mon émotion.
Jean Prod’hom
Ne lâcher la phrase
Ne lâcher la phrase
que lorsqu’elle coule
entre les mots
Jean Prod’hom
Le poison que distille le succès
Le poison que distille la réussite
ne se répand pas dans le corps sur le champ
pas plus que les bénéfices promis par l’échec
Jean Prod’hom
De Corcelles à Echallens
On a traversé le jour
d’est en ouest
sans que rien ne nous arrête
Jean Prod’hom
Cité
Pavés
rincés
piqués
Jean Prod’hom