Grands-Praz
Immobile sur la rive droite de la Carrouge
divisé
ni taupe ni milan
Jean Prod’hom
Jourde et Meizoz
Réouvrir les boîtes trop vite scellées
bijoux mal acquis et voeux pieux
accords infects et mariages forcés
Jean Prod’hom
Héritage
Elle y a ouvert les yeux avant qu’on lui en barre l’accès
pièce vide verrouillée du dedans
pas même le nom de sa mère
Jean Prod’hom
A titre d'honoraires
Avance sur les droits d’auteur
quinze ans de mariage et trois enfants
assez pour t’offrir des fleurs et vous payer une quatre-saisons
Jean Prod’hom
Butin
Se rendre à l’évidence
à l’aise dans les fosses
à l’aise dans les laisses et les poches
Jean Prod’hom
Rien à signaler sur le front scolaire
Rien à signaler cette année sur le front scolaire mis à part
de nouveaux caporaux et des améliorations dans l’étanchéité des bâtiments
la mise à jour du jeu des injonctions et des soumissions
Jean Prod’hom
Isotropie
Tu crois connaître la passe qu’emprunte l’avenir
pour rejoindre le passé
mais connais-tu celle qu’emprunte le passé pour rejoindre l’avenir
Jean Prod’hom
La Murée
C’est parce qu’elle mourut en ignorant que ce tableau viendrait jusqu’à moi que
les découvrant côte à côte sur une ancienne photo
je perçus le mystère qui les entourait
Jean Prod’hom
Les coeurs
Les coeurs demeurent à découvert
à côté du lieu où ils battent
dans la paille
Jean Prod’hom
Visite au cimetière
Le nom des morts ne connaît pas de repos
les époux font chambre à part libres de ce qu’ils s’étaient promis
je pique-nique avec les enfants adossés à leur arbre généalogique
Jean Prod’hom
Coïncidences
Les circonstances coulissent
comme les décors d’un théâtre
ça fait bien au total cent mille milliards de poèmes
Jean Prod’hom
Structures élémentaires de la parenté
Chacun rejoint la place qui lui revient
dans l’un ou l’autre des compartiments du convoi des générations
dans la hâte mais en bon ordre comme au mikado
* (1898?) Augusta / Marie (Joliquin) / Lucie / Louis / Elisa / Marcel / Charles Rossier / Blanche
Jean Prod’hom
Rue du Nord (1983)
Seul près du poêle j’entendis des voix
la plus nue se proposa de tirer parti du charivari
et fit entendre la chambre vide
Jean Prod’hom
Rueyres
Plus loin le foin tout juste sorti du four
des abeilles dans le tilleul et de la cire dans les oreilles
deux draps blancs au vent et une ribambelle de mirabelles
Jean Prod’hom
Morvan (1980)
Il parlaient dans une langue à gros galets
d’où jaillissait un filet d’eau
corps de lierre et jambes de bois
Jean Prod’hom
Dernière fête du bois (1959)
Les nouveaux firent leur mélange de gravier et de ciment dans la caisse à sable
supprimèrent l’épingle à cheveux qui ramenait les papillons aux ateliers
tranchèrent d’un coup de ciseau indolore et le bandeau et les escaliers
Jean Prod’hom
Palette d'Isenau (1957)
Nous sommes nés d’une même pâte translucide
éclats d'un seul tenant que rien ne pouvait séparer pas même les pleurs
rires ivres qu’un regard dont on ne saura rien faisait monter au gré du vent
Jean Prod’hom
Coupe suisse de trial à Wangen-Nuolen
De gauche à droite et de haut en bas : Tom Blaser, Théo Grin, Loïc Rogivue, Arthur Prod’hom, Kouzma Rehacek, Mathieu Habegger, Théo Benosmane et Michaël Repond.
C’est sur les rives du lac de Zurich, en pays schwytzois, que les meilleurs trialistes du pays se sont retrouvés dimanche passé. Le soleil, présent dès l’aube, a racheté d’un coup ses absences injustifiées de juillet et d’août, si bien qu’il y avait un air de fête dans les carrières mises à la disposition du VMC Wangen-Nuolen pour organiser sa course.
Des sourires aussi : on a assisté à un spectacle extraordinaire, des cyclistes en équilibre sur l’horizon, traçant leur chemin dans un chaos de barres de granit, bondissant sur de formidables dés de grès, touchant le ciel de la tête ou frôlant le lac du pied, avec pour décor, sur l’autre rive, les trois tours du château de Rapperswil et les deux de l’église Saint-Jean.
Arthur Prod’hom, vainqueur chez les cadets.
Tous les pilotes n’ont pas répondu à l’invitation du club schwytzois – les vacances ne sont pas terminées pour certains – si bien que les trialistes du TCPM de Moudon, orphelins de leurs entraîneurs appelés ailleurs, ont dû serrer les coudes pour compenser l’absence de quelques-uns de leurs leaders; les huit pilotes qui étaient au rendez-vous ont répondu présents.
Dans la catégorie des Poussins, Théo Benosmane (8ème) continue son apprentissage; Kouzma Rehacek monte sur la plus haute marche du podium, il confirme à la fois son travail, son talent et se présente comme un sérieux prétendant à la victoire finale. Chez les Benjamins, Mathieu Habegger (10ème) progresse et Michaël Repond (6ème) ne quitte pas le peloton de tête, mais ils se rendent compte que la catégorie est relevée.
Kouzma Rehacek, vainqueur chez les poussins.
La troisième place obtenue à Vordemwald a donné des ailes à Théo Grin (5ème), mais il lui manque trois points pour accéder à un second podium chez les Minimes. Arthur Prod’hom soigne les détails et réalise une très belle course chez les Cadets, il laisse ses adversaires à plusieurs longueurs et peut commencer, du haut du podium, à envisager une fin de saison d’enfer.
La marche qu’il faut franchir de la catégorie des Cadets à celle des Juniors est importante, Loïc Rogivue (5e) le sait mais il garde le sourire. Quant à Tom Blaser (3ème), il peut être satisfait : après un titre de champion suisse junior acquis il y a un mois et demi, le voici pour la seconde fois sur le podium dans la catégorie des Elites. Bravo !
Tom Blaser, troisième chez les élites.
Vous êtes amateurs de trial ? Rendez-vous le 14 septembre à Bex sous les châtaigniers – c’est un dimanche – pour l’avant-dernière manche de la Coupe suisse. Et si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à jeter un coup d’oeil sur le site du Passepartout de Moudon (www.trial-moudon.ch) !
Jean Prod’hom
Texte partiellement repris et modifié dans « La Broye »
Texte publié dans « Le Journal de Moudon » et « Le Courrier Lavaux | Oron »
Incipit tragoedia (1959)
On apprit émerveillés les différents rôles de la tragédie qui nous attendait
avant d’accepter celui que les circonstances nous commandaient d’endosser
et dont nous aurions à nous affranchir le restant de notre vie
Jean Prod’hom
Plans-sur-Bex (1962)
C’est en y jouant de longues heures dehors sous l’auvent
que le Monopoly imposa à nos vies intérieures
un premier plan directeur
Jean Prod’hom
Vie personnelle (1958)
Ma vie personnelle prit naissance au fond des yeux fermés de papa et maman
corollaire du désintérêt qu’ils me portèrent soudain pour sauver la leur
et de la confiance qu'ils me firent pour disposer d’un peu de temps mignon
Jean Prod’hom
Baron perché (1957)
L’intrusion du passe simple
nous contraignit à partager nos vies avec les héros de nos récits
à concevoir un ailleurs et d’autres asiles
Jean Prod’hom
Grandes vacances
Les paupières décollées
notre futal enfilé
nous nous glissions entre ciel et terre pour rejoindre notre bivouac
Jean Prod’hom
Riant-Mont
Notre quartier s’étendait jusqu’au petit parc
à la colline et au fond du jardin
au-delà un domaine inconnu où régnait le gros Georges au milieu de rien
Jean Prod’hom
Plus tard
Une adolescence à mobylette
rythmée par de petites explosions
des ratés soigneusement organisés
Jean Prod’hom
J’ai essayé
J’ai essayé d’imaginer les Australiens comme l’école nous y obligeait
à chaque coup un vertige me saisissait et je m’accrochais à la cime des arbres
le ciel à mes pieds et la tête en-bas jurant qu’on ne m’y reprendrait pas
Jean Prod’hom
Des lieux auxquels je ne demandais rien
Des lieux auxquels je ne demandais rien
des lieux d’avant les questions et les réponses
des mariages et des divorces
Jean Prod’hom
Allais au ralenti
Allais au ralenti
lorsque tout allait bien
avec la conviction des balles perdues
Jean Prod’hom
Aussi loin que mon regard
D’aussi loin que mon regard pouvait porter
sourdait une nostalgie vivace
sans passage secret
Jean Prod’hom
Happy boots
Batterie de chants au couchant
le soleil mijote derrière le barbecue
croque de cake et coup d’bourdon
Jean Prod’hom
Laves bleues
Laves bleues
chaume vert-de-gris
la toison d’or entre chien et loup
Jean Prod’hom
Ecoles à Berne
Ecoles à Berne, c’est le nom d’une aventure à laquelle j’ai participé et qui m’a enthousiasmé. Trois classes dont j’ai eu la responsabilité au Mont-sur-Lausanne, en 2010, 2013 et 2014, ont eu en effet la chance de se rendre dans la capitale toute une semaine, une semaine organisée au piccolo par une équipe très décidée et consciente de l’importance d’un tel événement pour des adolescents.
J’y participerai une quatrième fois en 2015, c’est sûr. Mais on me dit aujourd’hui que le financement de cette belle affaire n’est pas assuré à long terme. C’est dire que si je veux y retourner une dernière fois avant ma retraite et faire profiter une dernière volée en 2017, il faut que je me décarcasse et convainque ceux qui pourraient hésiter.
Disons d’abord que c’est un jeu qui a le mérite de remettre en perspective la question du politique en la reprenant depuis le début, c’est-à-dire dans l’espace réduit d’une classe réunissant des personnes qui ne sont ni de la même famille, ni ne se sont choisis. Que fait-on là, ensemble, pendant ces années d’école? Qu’a-t-on en commun? Si nous sommes en désaccord avec le monde dans lequel nous vivons, peut-on le changer. Peut-on trouver un terrain d’entente? Faire des alliances? A quel prix et avec quelles conséquences? Veut-on obtenir quelque chose immédiatement ou changer les choses en profondeur et à long terme? Comment déplacer les mentalités? Accepterons-nous de perdre? Que ferons-nous de nos victoires?
Le jeu démocratique dans lequel une société s’engage en acceptant ses règles est un jeu en tout point analogue à celui qui est proposé par Ecoles à Berne – mise à part la modification effective de la Constitution fédérale. C’est dire que le second jeu est aussi sérieux que le premier. Il est en outre, du point de vue de l’enseignant que je suis, hautement formateur. Je voudrais mentionner brièvement deux ou trois choses que les élèves ont été amenés à rencontrer et qui leur ont permis d’aller plus avant dans des problématiques que l’école se doit d’aborder.
Les programmes scolaires ont longtemps insisté sur le pacte de 1291, ils se sont tournés il n’y a que peu en direction de 1848. Il convient aujourd’hui de mettre l’accent sur cette période non seulement parce que la Constitution régit aujourd’hui encore notre vie politique mais parce que l’histoire du fédéralisme a encore beaucoup à nous apprendre.
Le jeu proposé par Ecoles à Berne, centré sur le dépôt d’une initiative fédérale, oblige les participants à comprendre du dedans nos institutions, à en éprouver les contraintes, à en interroger les faiblesses et les points forts.
La vie à Berne, pour un enfant de ce côté-ci de la Sarine, est une découverte. Non seulement celle d’une autre langue, mais aussi celle d’une autre ville. Les organisateurs ont bien fait les choses ; ils proposent en effet aux participants, à côté de leurs travaux parlementaires, une visite de Berne, celle du XIXème siècle, des ambassades et de la vie politique actuelle.
Faire manger dans le même réfectoire des ressortissants des cantons de Thurgovie, Argovie et Vaud n’est pas sans conséquences. En les obligeant à se mettre d’accord ou, pour le moins, à trouver une solution qui satisfasse chacun, les participants prennent conscience en commission ou en plénière que les différences culturelles et linguistiques ne sont pas toujours à la source de conflits mais, paradoxalement, l’occasion d’être ensemble pour trouver des solutions satisfaisantes.
Pas d’action sans anticipation et stratégie, pas d’argumentation sans préparatifs, collecte et organisation d’informations, utilisation fine de la langue, mots choisis, un à un.
De ce point de vue, le jeu permet à chacun de comprendre que pour convaincre celui qui n’est pas convaincu, il ne suffit pas de l’être, qu’il s’agit d’abord de mieux comprendre ce que croit l’autre, de déterminer les objets sur lesquels il ne cédera pas, de lui concéder ce à quoi on peut renoncer. Du point de vue de l’utilisation de la langue dans son versant argumentatif, Ecoles à Berne est une mine aux dimensions du réel qui ne saurait être remplacée.
Travail de longue haleine donc, bien avant la semaine qui se déroule à Berne. Autour d’un objet qui se révèle toujours complexe. L’étude de texte ne suffit pas, il faut en appeler à la genèse de la problématique, aux différentes réponses qui en ont été données, celles des cantons, des états, des spécialistes… L’élève est invité à aller à la rencontre d’objets de connaissance qu’aucun domaine disciplinaire n’a pris en otage. Au contraire, l’élève doit saisir cet objet dans ses différentes dimensions et, pour cela, s’en référer à ses dimensions historique, géographique, linguistique, sociologique…
Obligation donc pour les enseignants de se soumettre à une logique de l’objet plutôt qu’à une logique des programmes et des disciplines. Disons que de ce point de vue, l’affaire n’est pas gagnée.
Tout va très vite à Berne, rien ne serait possible sans une organisation dont tous les participants sont les maîtres d’oeuvre. Accepter que l’un d’entre eux prennent la tête du groupe, choisir un vice-président, prendre des initiatives, ne pas jeter le discrédit sur celui qui n’en prend pas, respecter l’ordre du jour, être à l’heure, déléguer.
(Voici le stratège du groupe, il s’ignorait jusque-là, il imagine un scénario pour obtenir la vice-présidence du Conseil national, impossible de viser la présidence, les Suisses allemands sont trop nombreux. Voici une conseillère nationale qui en veut, ne lâchera pas ses adversaires avant de les convaincre, gagner quelques voix ici en allemand, là en anglais, mais aussi avec les mains. Un membre veut faire bande à part, l’exclura-t-on du groupe?)
Il n’est pas inutile de rappeler que les parents des élèves que j’ai accompagnés m’ont souvent encouragé à remettre l’ouvrage sur le métier avec les cadets de leurs enfants. Rappeler aussi que les autorités communales n’ont pas hésité à aider substantiellement les familles dans la réalisation de ce projet. J’en suis persuadé, cet investissement professionnel et financier n’est pas vain. Mais je crains que les autorités scolaires cantonales n’ont pas assez prêté l’oreille à ce qui se déroule à Berne depuis quelques années, pas assez prêté leur concours pour convaincre et aider les enseignants à y participer.
Le jeu se termine le jeudi, dans la salle du Conseil national, par une plénière à l’occasion de laquelle les différentes initiatives populaires sont présentées et discutées, avant que la majorité ne recommande au peuple de les accepter ou de les refuser. Tous les participants, en principe, montent à la tribune.
Quelque chose m’a toujours sidéré à cette occasion. Le soin que les jeunes orateurs apportaient à leur intervention rédigée la veille, répétée au réveil, la manière dont ils montaient dans le tram numéro 9, se préparaient pour cet instant guère plus long qu’un éclair, la manière dont ils se levaient pour se rendre à la tribune, ajustaient le micro, posaient leurs notes et leur voix, s’adressaient à leurs collègues. Pour quelques mots, quelques mots qui venaient de loin puisqu’ils étaient le fruit d’une année de travail, de lectures souvent ardues, de discussions longues. Oui, aurait certainement dit Socrate, dire quelque chose est chose difficile.
Jean Prod’hom
En avoir toujours déjà fini
En avoir toujours déjà fini avec les affaires courantes
déroute au lever du jour
point d’orgue jusqu’à la nuit
Jean Prod’hom
Retour au Riau
Ne pas en faire plus l’un pour l’autre
que de nous redire la nuit que nous partageons
et dans laquelle tu te réfugies avant moi
Jean Prod’hom
Au ciel
Ni tri ni carde
ni peigne ni fil ni trame
l’haleine du vent
Jean Prod’hom
Tsahal 1985-2009
Tonnerre et Arc-en-ciel
Opéra et Jambe de bois
Pluie d'été et Plomb durci
Jean Prod’hom
Poésie verticale
Ne pas forcer le système à retourner en arrière ou aller de l’avant
mais redescendre le seau au fond du puits
en levant le cliquet et la tête au fond du ciel
Jean Prod’hom
Saint-Auban-sur-Ouvèze
Jamais au grand jamais disais-tu
sans imaginer qu’il eût pu en aller autrement
saisi du vertige d’être bel et bien ici plutôt que là
Jean Prod’hom
Bergerie du Lou
Elle est entrée dans la partie par effraction
en a appris les règles par distraction
l’a quittée avant son terme
Jean Prod’hom
Rive du Lez
On croit pouvoir infléchir le cours des choses sans avoir à changer soi-même
on manque naturellement le premier objectif
on parvient sans effort au second
Jean Prod’hom
Adieu au langage
Aussi inconcevable de dire adieu au langage
qu’à l’ombre qui nous suit
à moins de s’enfoncer dans sa nuit
Jean Prod’hom
Dans les gorges du Chassezac
Dans le creux de midi
les cris de l’été couvrent le silence de ceux qui soudain manquent
la maison de Casteljau dort
Jean Prod’hom
Quelque chose qui demeure
Quelque chose qui nous aura accompagnés tout au long de notre existence
semblable au ciel qu’on aperçoit
du fond d’un chemin creux ou des talus qui le bordent
Jean Prod’hom