Café de la Gare (Chatillens)
Nouveau coup d’état,
le jour écarlate la nuit.
Besoin de comme si.
Tiens fermement en laisse ton imagination lorsqu'elle prend les devants, tu pourrais en avoir besoin. L'imaginaire seul est susceptible de jeter ses lumières sur ce qui est de n'en avoir pas.
Tu disposes du reste de ta vie pour restituer le monde que tu fais tourner autour de ton aveuglement. Réjouis-toi, la pilule sera moins amère le moment venu.
Jean Prod’hom
Bois de Ban (Montpreveyres)
Anxiété
dans le petit monde de la poésie,
le vide se réduirait.
Empresse-toi de suivre ce qui te file entre les doigts. Tu l’apercevras bientôt derrière toi. Continue les mains libres.
Le moment s'étire tant et si bien qu’il finit par embrasser la cueillette des cerises, les feuilles qui tombent, ton absence et la supplique des saisons.
Jean Prod’hom
Route de la Moille-aux-Blanc (Corcelles-le-Jorat)
Va si tu le veux,
j'aurai du retard,
j’ai fait le choix de l'oiseau qui picore.
Ce n'est pas tellement ce vers quoi tend le chemin - Carrouge ou Ropraz - qui importe, ce n'est pas tant ce que nous allons y faire, puisque tout cela nous le connaissons trop bien et sera bien vite derrière nous.
Non, c’est l'imprévisible qui nous en sépare, ce quelque chose que nous longeons sans y toucher, que le regard caresse à peine, énigme et promesse ; ce sont à gauche et à droite les talus, plus loin les esserts, les friches, les clairières, les bois, plus loin encore un demi-horizon.
Par une curieuse propriété de l’espace, ces tranchées qui ont défiguré la terre, qu'il nous a fallu tracer et creuser pour survivre, que nous empruntons quotidiennement et qui auraient pu faire de nous des taupes, nous ont donné accès de l'intérieur, pour autant que nous tournions la tête à gauche et à droite, à des fourrés secrets et à des échappées belles.
C’est aussi en raison de cette propriété de l’espace que la beauté ne cicatrise pas.
Jean Prod’hom
Arrêt de bus du Riau (Corcelles-le-Jorat)
Ils sont plusieurs à penser que le ciel ne tient plus ses engagements et que les saisons trahissent leurs attentes. Les modèles sont devenus des caricatures. Beaucoup exigent même un caporal pour surveiller leur succession. Je crois, à la réflexion, qu'elles nous rappellent qu'elles ne renonceront pour rien au monde à la part de liberté qui leur a été octroyée et à laquelle nous pourrions être tentés de renoncer.
Il a quinze ans, pas de place pour lui ici. Il songe à sa tante d'Alcochete et à ses copains de quartier. Il s'appelle, je crois, João Fernando Pinto Ferreira ; il rêve du soleil, de Porto et de Braga, d'une virée à mobylette entre Sombrado et Cabanelas.
Le collège est fermé, la nuit s’installe. Un merle chante à l’extrémité de la branche d'un érable. A côté d'un lampion qu’on n’allumera pas.
Jean Prod’hom
Rhône (Lavey-les-Bains)
Les cincles près de Lavey ressemblent aux hirondelles, volent à raz le torrent, se dressent sur les pierres comme des bergeronnettes. Quant au Rhône, il ne s’est pas encore détaché, froid et limoneux, du glacier des fonds de Conches qui l’a vu naître. Le Léman calmera bientôt ses ardeurs et fera de ce torrent un fleuve.
Jean Prod’hom
Véranda (Corcelles-le-Jorat)
La vie-propre est un livre que chacun respectivement lit toujours pour la première fois ! Vécu sur le moment et au fur et à mesure, le devenir en train de devenir garde cet aspect impair et aventureux, qui tient à l’heure incertaine. Avec sa mortalité inéluctable et sa mort indéfiniment ajournable, compris entre sa frontière natale, qui est définitive, et sa frontière létale, qui est élastique et flottante, le temps entr’ouvert de notre vie n’est-il pas une aventure ?
Vladimir Jankélévitch
Ecrire en-deçà des sous-entendus, tenir en laisse l’implicite, se dégager de la polémique, en sachant que la poésie ne ressemble que très rarement à la poésie et que le rassemblement ou l’éclatement de ce qui se joue dans le temps sur la page congédie tout espoir : le futur se fait et se défait à chaque instant.
Jean Prod’hom
Moille-aux-Blanc (Corcelles-le-Jorat)
Hier, alors que le jour se levait dans le préau encore désert de l’école, merles, mésanges et moineaux se sont donné le mot pour lancer la saison.
Mais la neige a fait ce matin encore une sortie, discrète, légère et aérienne ; les flocons se sont montrés si légers dans l’air sec qu’ils semblaient s’attarder, attendre que les rejoignent les flocons qui les suivaient, revenaient même sur leurs pas ; ils ont improvisé un ballet, duvet d’oie et fleurs d’aubépine, qui s’est prolongé toute la matinée, riant de la gravité qui attache l’homme à la terre en inversant la pente sur laquelle roulent leurs jours.
Lorsque je suis remonté de la patte d’oie, les moineaux et les mésanges chantaient, comme hier matin, dans les branches nues des cerisiers et des pommiers, comme si cette giboulée les réjouissait, bien décidés à ne pas revenir sur leur décision d’annoncer sans plus tarder leurs noces prochaines.
A 13 heures, le soleil a repris son travail autour des fruitiers du verger, repoussant un peu plus la neige loin de leur pied, définissant le cercle d’ombre de leur frondaison au zénith de l’été.
Jean Prod’hom
Non pas que celui qui a goûté à ses fruits
La liberté invite celui qui en rêve, à se rendre en des lieux où personne ne l'attend, ni ne cherche à le retenir ; elle ne s'obtient qu'à coups de contre-temps.
Non pas que celui qui a goûté à ses fruits soit condamné à faire bande à part, bien au contraire ; il lui revient de se laisser glisser à l'arrière du cortège et de recueillir ce que celui-ci a abandonné. Car c’est de ce dont personne n’a voulu, de ses dépouilles que l’homme libre s'équipe et fait son lit, en compagnie de ceux qui ont préféré se faire oublier ; ils ravaudent ensemble ce qui aurait pu advenir, le possible, sans que personne ne les envie. En ce sens, mais à l’inverse, les avant-garde ne sont que les porte-drapeaux du régime de la plus extrême dépendance, obligées de souffler à ceux qui les suivent le refrain d’une triste rengaine bientôt cent fois répétée.
C'est le lendemainde la Saint-Valentin que l'amoureux offre des fleurs à son amoureuse, cet idiot est toujours un peu à la ramasse ; mais s’il prend du retard, ce n’est pas avec sa belle mais avec l’histoire.
Jean Prod’hom
Etang (Corcelles-le-Jorat)
Je glisse toute la journée au plus près de la pente, à bonne distance de ce j'aurais, en d'autres circonstances, tenté de retenir ou d'anticiper, les choses, avant qu'elles ne disparaissent tout à fait ou afin qu'elles demeurent possibles.
Un mot encore, clac, le drap tombe, le corps est nu, sans savoir comment cela aura été possible, bon à rien sur un sentier boueux, dans la débâcle d'un hiver qui n'aura pas eu lieu, avec une fenêtre dans le ciel qui nous appelle, ma belle et moi, vers le haut. Nous marchons en silence avec le cœur qui bat.
Je m'installe en rentrant, à la cuisine, devant des champignons de Paris, une tasse de riz, deux artichauts, deux oignons, un pot de moutarde, un œuf, de l'huile, une aubergine, deux courgettes et un poivron rouge. Et des merveilles.
Jean Prod’hom
Vuarrengel
S’il y a motif à à s’interroger sur les Rectifications de l’orthographe parues dans le Journal officiel de la République française, le 6 décembre 1990, ce n’est pas tant à cause du toilettage frileux d’une langue encombrée, dont les scandalisés n’ont, pour beaucoup, pas pris connaissance de la teneur, mais à cause du lobby des médecins qui ont voulu, j’imagine, que le nom de leur profession fasse bande à part, ne s’aligne pas sur la règle du è devant une syllabe contenant un e à valeur zéro.
Une demi-heure pour aller de Corcelles-le-Jorat à Valeyres-sous-Montagny en passant par Villars-Mendraz, Peyres-Possens, les fonds de la Menthue, Fey, Vuarrens, Vuarrengel, Essertines et Yverdon. Une autre pour en revenir à 10 heures, sous la pluie. Une troisième pour y retourner à 15 heures, sous la neige. Une quatrième pour en revenir avec Louise et Lili.
Celle que j’appelais tante Lucie, qui était en réalité une grande tante, soeur du père de ma mère, envoie de Villarzel un mot à celle-ci le 2 mars 1975, lui signalant que la platebande est toute fleurie et qu’elle prépare une salade de dents-de-lion qui ont bien poussé. Elle l’informe en outre qu’elle lui enverra sous peu un napperon qu’elle a réalisé avec les serviettes d’Hortense, morte en 1966, mère de ma mère. Elle joint à son mot une lettre que celle-ci a écrite alors qu’elle devait avoir cinq ou six ans et vivait avec ses parents et ses soeurs à Marcelin où Louis son père avait été engagé comme chef de culture à l’Ecole d’agriculture.
Dernières négociations dans la Grande salle de Mézières autour des quelques chardonnerets qui n’ont pas été vendus, en portugais, italien, français, espagnol, arabe. Il est peut-être question du marché d’El Arrache à Alger, des concours de chants à Agadir, de Naples, de Tunis. Entre 2005 et 2015, la France a perdu la moitié de ses chardonnerets, capturés dans la glu ou des filets tendus à côté d'un mâle qui chante emprisonné dans une cage. On raconte que les chardonnerets ont disparu d’Algérie.
Jean Prod’hom
Quai Perdonnet (Vevey)
Il y a dans la nuit quelque chose qui nous unit.
J'espère que ta santé est bonne, cher Fritz, et que ta jambe ne te fait pas trop souffrir. Et pour vous Heidrun et Jérôme, une belle et douce saison dans votre maison et jardin d'Eden.
Dénia, Guatemala, Rio Dulce,1990
Couper court. Et instiller dans l'écriture la voix dont le poète s’est délibérément privé pour aller au-delà de lui-même et de ses fantômes. En rapatriant dans la langue ce que la voix ne cesse de recouvrir de son bruit : vent, rumeur, échos, fontaine. C'est alors que la voix, dans l'écriture, devient chant.
Jean Prod’hom
Praz l'Armaz (Corcelles-le-Jorat)
Mon nez coule, les chevaux éternuent ; les chevreuils ont pris la couleur des feuilles mortes, les bouleaux tiennent haut leurs bras blancs dans la nuit qui tombe, mal de tête et courbatures. J’aurai passé la journée dans les combles à somnoler et lire quelques pages de François Dagognet et de Vladimir Jankelevitch sur la mort. Mon dieu que les philosophes parlent lourd, et du lourd c’en est, surtout chez le second, qui pourtant, par moments, me laisse supposer que nous tournons autour d’un même point.
Telle est la lointaine proximité que Maeterlinck a laissée en suspens dans Intérieur : entre la nouvelle fatale qui arrive dans la nuit et le bonheur paisible d’une famille encore ignorante du drame qui l’a déjà frappée, entre la subconscience soucieuse et l’heureuse incurie, il y a cette vitre et ce jardin, et cette épaisseur de ténèbres.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la profonde vérité rationnelle du souci et la profonde vérité superficielle de l’insouciance sont deux vérités contradictoires et pourtant également vraies.
On finit par sortir, la polaire vert pomme et la veste rouge cassis de Sandra s’allient au bleu et au jaune des ruches de la Mussilly, on enfonce dans la boue, Oscar lève dans le bois Vuacoz deux groupes de chevreuils qui ne s’y attendaient pas, personne ne sort par ce temps.
Bonne nouvelle pour Pâques prochain, on ira voir le pape. Sandra a loué un appartement sur le Campo dei Fiori.
Jean Prod’hom
Bois Vuacoz (Corcelles-le-Jorat)
Il y a des jours ainsi, ni la tête ni le corps ne suivent ; alors on cherche à s’accrocher à quelque chose, à un mot, une phrase, à une image, un peu de soleil, au chant lointain d’une mésange. Rien. On se dit que ça va forcément arriver.
Ce sera un épicéa, huitante ans, trente mètres, abattu cet après-midi. Ils s’y sont mis à deux, coins, masses et tronçonneuses, il a serré les dents puis s’est effondré.
Jean Prod’hom
Fey
A l’intérieur d’un cube de béton sans barreaux, j’accueille ce matin vingt-neuf élèves. Dans la boîte aux lettres ce midi, je récupère le numéro de la revue faire part consacré à Gil Jouanard et le papier annonçant la journée qui lui sera consacrée en mars au Cheylard.
Sur le chemin longeant la Menthue, cet après-midi, je fais une balade avec Edmond, autrefois employé agricole à Ropraz, aujourd’hui à la retraite ; il poussait alors une carriole de Vers-chez-les-Rod à la laiterie, dans laquelle il fixait soir et matin trois boilles à lait. Il chantait à tue-tête, lorsqu’il faisait encore ou déjà nuit, des mélopées au caractère indécis, entre louanges et imprécations, pour s’assurer de la protection du Très-Haut ou effrayer le diable qui hante depuis toujours ces fonds de la Corcelette.
Edmond est depuis quelques années l’un des vingt résidents de l’ancienne maison de la direction Nestlé chargée alors de fabriquer, dans les fonds de Bercher, le lait condensé. Edmond prie, Edmond s’inquiète de ce que lui réserve le ciel.
Forum des Halles (Paris)
Dessus, quelques employés taillent l’un des deux cent cinquante-sept platanes qui bordent le boulevard Sébastopol. Trois équipes de sept à dix élagueurs, préposées la semaine à l’entretien des arbres de l’un ou l’autre des vingt arrondissements de Paris qui leur sont attribués, unissent leurs forces ce matin, pour prendre de l’avance sur un boulevard très fréquenté la semaine. Ils coupent à la tronçonneuse les basses charpentières et taillent les branches qui touchent aux façades. On compte plus de 100 000 arbres alignés dans la ville, des platanes surtout, mais aussi des tilleuls, des marronniers. Les élagueurs reviendront boulevard Sébastopol, dans sept ans.
Pas sûr, l’entretien de cet aménagement urbain né à la fin du XVIème siècle coûte cher ; les politiques et les acteurs économiques s’en sont avisés depuis longtemps déjà, ils ont organisé et financé de nouveaux travaux, d’autres suivront. Dessous les villes, en effet, on s’affaire.
Plongée sous-marine, pour m’en convaincre, dans les sous-sols du forum des Halles. Les nouveaux habitants avancent, décidés, des écouteurs en guise de pince-nez, un GPS à la main. Ils sont nés dans cette ville, certains n’ont jamais vu le jour. Je manque d'air, me perds ; m’accroche à quelques signes, un homme court ; sortie de secours, je m’en sors. Je les laisse en-bas, captifs, ne peux rien pour eux, l’étau s’est resserré, égarés eux aussi, autrement.
Quand la ville sera dessous, toute, qu’on aura dessus laissé l’inutile, brûlé les livres, lorsque l'ancienne ville sera rendue à la nuit et aux trembles, aux ronces, au gui et à l’églantier, il restera certainement aux habitants de la nouvelle cité des souvenirs de ce pays de Cocagne, des souvenirs de seconde ou de troisième main.
Comment racontera-t-on alors l’amble, les grands boulevards, et l’omble chevalier lorsqu’il glisse des mains du pêcheur ?
Jean Prod’hom
Beaubourg (Paris)
L’inconnue pleure dans le hall du centre Pompidou, celui qu’elle aime a le coeur sec. Je les retrouve le long du canal Saint-Martin, rempli de cadavres, l’eau n’y coule plus. Elle a le coeur plein, il a le coeur vide. On y fait des travaux jusqu’en avril. D’ici là l’eau aura coulé sous les ponts.
Jean Prod’hom
Belleville (Paris)
Zones franches,
landes et limbes,
rues Portefoin et Belleprison.
Oh Paris !
Walton Ford, Rhyndacus (détail), musée de la chasse et de la nature
Jean Prod’hom
Dijon
Réfléchir à la main,
ne rien effacer,
ni l’oubli ni l’ombre.
Et reprendre sur un autre versant.
Jean Prod’hom
L'éternité sans immortalité
Cher Pierre,
Il a beaucoup plu au milieu de la nuit ; les copeaux de bois et la sciure ont rejoint le gravier entre les dalles de l’allée ; je place les cartons vides de la bibliothèque à l’arrière de la Nissan et descends au Mont. Nous suivons sur la TRS, entre 9 et 10, une partie des élections au Conseil fédéral, les petits Vaudois auront congé l’après-midi du 17 décembre pour fêter Guy Parmelin, leur nouveau conseiller fédéral.
Le projet avec Stéphane prend forme ; à moi d’établir le lieu où déposer notre cueillette quotidienne ; l’affaire démarrera le 14 janvier. Je reprends le modèle utilisé jusque-ici pour lesmarges, d’où je retire toute ce que je peux retirer sans toucher au code source. Il restera, tout en haut, peu visible, une corniche à double profil.
T est couché sur son lit, je m'assieds sur une chaise et on parle de choses et d'autres, de l’éternité, du suicide assisté, de l’immortalité, des bruits dans le couloir, de Holan, de l’éternité sans immortalité. Sa petite chambre a l’avantage d’être bien chauffée, mais le soleil n’y entre jamais. Il se détend, moi aussi. Sa soeur viendra demain pour s’occuper de ses affaires.
Il n’a pas grand chose à lui ici, quelques photographies, les souvenirs de ses lectures et des rencontres qu’il a eu la chance de faire avec des hommes qu’il a admirés. Il me parle notamment de Stéphen Jourdain avec lequel il a passé une inoubliable journée à Morges, il me prête le seul livre visible dans sa chambre, un livre qu'il n'a plus la force de lire : Une Promptitude céleste.
Je crois que mes visites lui font du bien, elles m’en font aussi ; nous parlons de choses graves, presque silencieusement, auxquelles il pense chaque jour, comme nous tous. Je lui propose avant qu’on se quitte de lui lire la prochaine fois, s’il le souhaite, quelques pages ; on en reparlera. Trois-quarts d’heure suffisent, il me sourit, fatigué, je lui souris. Il est heureux que nous nous soyons rencontrés, moi aussi. Je passe à la déchèterie y déposer les cartons et rentre au Riau.
Arthur travaille avec deux camarades dans sa chambre, les filles écoutent de la musique au salon, je prépare une salade et des croûtes au fromage à la cuisine, Sandra rentrera plus tard.
On regarde après le repas le journal télévisé, Guy Parmelin essuie de nombreuses critiques et les titres des journaux de demain ne sont pas tendres à son égard. Avoir la peau dure n’est pas une qualité suffisante pour faire un bon politique, mais elle est nécessaire ; je ne puis m’empêcher de me faire du souci pour ce nouvel élu.
Les filles vont se coucher et Arthur se remet au travail. Lili me demande de rappeler à sa mère qu’elle doit l’embrasser sitôt rentrée. Je n’attends pas, monte me coucher avec Vladimir Holan et Stephen Jourdain.
Jean Prod’hom
Les frontistes auront peut-être un sursaut républicain
Le soleil lance ses feux sur le sommet du Chasseron et les aiguilles de Baulmes ; l’ombre se retire, glisse à leurs pieds, se plisse comme un tapis qu’on enroulerait ; puis remonte lentement des fonds de la Venoge, à la hâte soudain jusqu’à nous.
Stéphane Lévy | Droit au silence | Point Rouge Gallery | 14 janvier - 30 janvier 2015
La semaine commence, il faudra une fois encore prendre des mesures pour qu'elle ne m'avale pas d'un coup. Me retirer chaque fois que cela est possible, pendant la récréation que je surveille ce matin, à midi lorsque la cour déserte est remplie de lumière, plus tard avec les derniers rayons du soleil.
Le Front national a réalisé hier en France un score proche des 28%, en tête dans six régions sur treize : inquiétant naturellement, pour nous tous, pour les frontistes également, ils auront peut-être un sursaut républicain, ou une heureuse crainte, celle de ne pas être à la hauteur, personne ne l’est plus.
Ce qui menace précède de beaucoup ce qui a eu lieu ce week-end, tout le monde le sait, si bien que chacun préférerait aujourd’hui le statu quo au pire, c’est bien normal mais n’est pas suffisant. Chacun devine la terrible impasse et tremble de ne voir poindre aucun idéal, aucune figure identificatoire, espérant encore que ceux-ci puissent venir d’en-haut, se substituer à nos démons partisans. Comme si l’altérité nous avait définitivement abandonnés.
Je lis aux élèves de 10ème le récit de la nuit de Meaulnes sur la paille humide de la bergerie abandonnée et de sa découverte, le lendemain, du domaine mystérieux. Les deux élèves qui ont oublié leurs notes la semaine passée évoquent ensuite le naufrage du Titanic et le destin des Amérindiens d’Amérique du Nord. Je leur laisse toute liberté pendant la dernières période.
Lecture à nouveau avec les élèves de la 9G, chapitre 9 de la Vallée de la Jeunesse : Eugène regarde Apostrophes ; la chaîne de télévision française est venue en effet filmer Simenon. Eugène se souvient, Simenon touche à deux reprises le tronc du cèdre du quartier avant d’entrer dans sa maison et de parler du suicide de sa fille.
Lecture encore avec les 9P, La Parure de Guy de Maupassant.
Il est 15 heures 40 lorsque je prends l'autoroute, fais une halte à Lutry, la librairie est fermée. J’ai rendez-vous à 16 heures 30, je me balade dans la grande rue, cherche et trouve la maison dont mon grand-père d’Epalinges, devenu épicier, s’était fait l’acquéreur.
Je retrouve Stéphane au restaurant du Major Davel à Cully ; deux heures suffiront pour que nous nous mettions d'accord sur la forme que pourraient prendre nos échanges. Je la dépose à l'entrée de Riex, le brouillard m'attend au-dessus de Chexbres. C'est avec ma mémoire qu’il me faut conduire, remise à jour plusieurs fois tout au long du trajet : à la bifurcation de Savigny, devant le restaurant chinois de Forel, au motel de Servion, avant le radar de Mézières, dans le virage avant Ropraz. Plus besoin ensuite, le brouillard s’est accroché à l’entrée de Corcelles, dans le pré à Jean-Paul.
Jean Prod’hom