Fenêtre de Balthus à Rohan

Parmi les 150 peintures accrochées aux murs de l’Hermitage ton choix s’est porté naturellement sur celle-ci, tu l’emporterais volontiers mais les gardiennes à l’uniforme funeste te surveillent. Alors tu patientes.
Personne dans ton dos, personne dans le couloir, personne dedans la pièce sur laquelle la fenêtre s’ouvre, c’est le moment. Tu te penches, passes délicatement la main sur la gorge du battant du vantail droit et sur le battant mouton du vantail gauche, effleure le fer de la gâche inférieure à l’intérieur de laquelle s’engagera, lorsque tout sera terminé, la tringle de la crémone. Tu poses tes yeux sur l’appui fenêtre et les ombres du dormant.
Puis tu mets la tête dehors, sans toucher ni au couteau ni au pichet, regardes en-dessous ce que le peintre n’a pas daigné montrer pour tordre le coup aux idées, tu aperçois alors l’ambition démesurée de ce faussaire obstiné qui témoigne, mieux que les penseurs, de ce dont le monde est fait. Le peintre est en-bas, au pied du mur, il a repris une fois encore le tout depuis le début, la lumière et l’ombre, le dedans et le dehors, le temps qui passe et les rideaux que le vent fait onduler : c’est sans fin que le le vernis s’écaille.

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Balthus, La fenêtre, cour de Rohan, 1951, Troyes


Fenêtres,
de la Renaissance à nos jours. Dürer, Monet, Magritte...
DU 25 JANVIER AU 20 MAI 2013

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Jean Prod’hom