La pince se desserre
Les enfants sont à l’école, Sandra au Mont, c’est mardi et il fait soleil au Riau. Je laisse en arrière tout ce qui est susceptible de se transformer en remords et envoie à trois jets de pierre les urgences. Je fais un pas, puis deux, trois, ça suffit pour que la pince se desserre.
Vingt-deux degrés, je me réjouissais de cet instant, retrouver le bois Vuacoz où j’ai vécu tant de belles heures l’année passée, choisir une souche et m’y adosser, avec le chien qui vaque à ses affaires et ce bonheur enfantin d’être dehors et d’y rester.
Eux aussi sont au rendez-vous, mais ils sont à l’air libre depuis samedi à l’aube. Je n’ai besoin de rien sinon de mes mains nues pour disposer d’un peu de place au milieu de leurs chants. Je ne les vois pas mais leurs sifflements montent à la verticale avant de retomber comme des feux d’artifice, ils semblent se comprendre, je ne comprends pas, c’est réconfortant.
Un peu de lecture, de la bruyère, un tapis de mousse et des bouquets de prêles avant que mon corps se défasse, se fragmente, menus atomes qui se dispersent comme des grains de poussière dans un rais de lumière, mon visage tient tout seul près du feu de la forge. Tout se juxtapose mais les choses ont les coudées franches, celles qui portent un nom et celles qui restent muettes, si bien que le verbe se lève : il ôte ses gants et se fait brise.
Jean Prod’hom