(Pers) Rapatrier l’obscurité

Cher Pierre,
Curieuse impression ce matin, lorsque j’ai mis le point final à la première mouture du septième texte pour Grignan, c’est-à-dire le dernier, puisque les huitième, neuvième et dixième seront tirés de la fosse à bitume des marges.net. Je pensais en effet, avant de me jeter à l’eau, qu’il me suffirait de dérouler, pas à pas, le raccourci de ce que je croyais voir très clairement ; il m’a fallu au contraire, ou à l’inverse, rapatrier l’obscurité qui se tenait dans les plis de ce raccourci et lui donner non seulement une forme, un contour, mais aussi une teneur.

7. On aperçoit parfois, marchant et levant la tête, des formes, des couleurs, des ombres qui dessinent alentour des visages éphémères, paysages-visages, visages-images d’un polyptyque sans fin : formes, couleurs, ombres que l’on voudrait serrer dans les ailes du plomb, un ourlet, un faufil ou un cadre doré à la feuille. Mais l’éphémère a une main de fer, les horizons ne l’arrêtent pas, il dure le temps de nos vanités. L’enfant solitaire se saisit parfois aux mauvais jours de quelques-unes de ces natures mortes qu’il écorne au hasard, y passe un fil qui donne à son ennui l’allure d’un récit, le semblant d’un mouvement, d’une pente et d’une direction.
Claude m’envoie en début d’après-midi des images, ce sont les piles d’exemplaires de Marges, ils seront dans les bacs fin août ; je le rejoindrai demain matin pour rédiger quelques dédicaces. Je monte au triage, mets bout à bout quelques phrases d’introduction pour Grignan. Le soleil est lourd, même dans les bois.
Le jardin demande qu’on s’en occupe, Arthur accepte contre salaire de s’y coller ; on passe en revue les tâches et on fixe le salaire, ces relations marchandes ont du bon. A la condition qu’Arthur se rende à Ogens à vélo, j’accepte de co-financer les achats du repas canadien auquel il participe demain soir. On finit nos tractations commencées dans la douleur par des sourires.
Sandra va récupérer Lili et Louise qu’elle a emmenées ce matin à Thierrens, elles se font belles, c’est mon anniversaire, nous allons manger à Montheron.
Jean Prod’hom