Sans les douze coups de midi

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Cher Pierre,
Sans les douze coups de midi, sans l’orage, sans l’épi, sans les sortilèges, nos journées ne ressembleraient à rien. Je suis à l’affût de ce qui se glisse entre deux battements de coeur, une aile de papillon, la mèche d’une chandelle, une grimace, la feuille d’un érable, la tourbe, tout ce qui exerce son empire bien au-delà du visible, l’ordinaire et l’imprévu, c’est à-dire tout et n’importe quoi.
Une journée pour reconnaître que ce n’est pas rien, un bout du soir pour lui donner une allure, en le taillant comme un crayon dont on se serait servi pour dessiner les circonstances qui l’ont vu naître, dégager du désordre l’une ou l’autre des pièces de cette partie sans fin et sans bord, qu’on reprend chaque jour, de l’aube au crépuscule : rassembler ainsi les blés coupés.

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Jean Prod’hom