Le brouillard est dense
Le brouillard est dense mais la bise a faibli. Fends les trois morceaux de sapin qui suffiront à faire partir le feu, qu'on abandonnera à ses cendres lorsque le soleil sera haut dans le ciel. Ce sera le régime de mars et d'avril, deux feux par jour, certains jours, l'un avant de partir, l'autre à mon retour.
Vais réveiller Arthur qui reporte avec bonne volonté quelques mots dans son carnet, comme il en avait été convenu la veille. La brouille épaisse s'écarte à l'entrée de Sainte-Catherine, le soleil s'y glisse et repousse sur les hauteurs les fantômes qui partent en fumée, un conducteur d'un gros 4x4 jette son mégot par la fenêtre.
Dans la cour du collège, deux camions attendent leur tour, une pelle est sur le point d'entamer la creuse au pied de la façade nord du futur bâtiment, personne encore au vibrofonceur. Les enseignants travailleraient-ils davantage que les travailleurs du bâtiment ? Ce n'est pas le reflet du soleil qui brille sur le plateau, ici et là, c'est l'éclairage public, il fait pourtant grand jour et le Conseil fédéral a décidé, il y a quelques mois, de faire sortir la Suisse du nucléaire d'ici 2034.
Je note la curieuse remarque d'un élève qui raconte l'histoire du Cristo redentor de Rio de Janeiro, il renonce en effet à montrer à ses camarades la position de Rio de Janeiro sur une carte murale, parce que, dit-il, un gros carton cache le Brésil. Le carton est vide, je lui propose de le déplacer. Il le déplace et l'Amérique du sud apparaît comme par enchantement.
Visionne avec les élèves de la 11 un temps présent de 96 qui raconte la saga d'une famille vivant à Pripiat : des morts, de la tristesse, un passé qui ne passe pas. Un voile descend jusqu'au Jura avant de se lever.
Lance cet après-midi les élèves sur un échanges de connaissances. Sandra m'envoie un mail que je ne comprends pas immédiatement : Renard-Prod'hom 4-3. Je finis par saisir : lorsque j'ai passé hier soir au fond du jardin, trois poules étaient à l'intérieur, mais quatre sont demeurées à l'extérieur. Le renard ne s'en est pas privé. C'est vraisemblablement la bise qui a refermé la porte du poulailler, Louise est particulièrement triste, il y en avait une qu'elle chérissait tout particulièrement, la cochin : elle se console avec un air de guitare. Lili et Arthur accusent le coup comme des enfants de la campagne. Ne nous restent plus que deux nègre-soie et une poule de gouttière.
Jean