Le soleil se glisse par la petite fenêtre



Le soleil se glisse par la petite fenêtre serrée à l’angle de la charpente. Un oeil et une oreille pour constater que les enfants ne nous ont pas attendus pour démarrer leurs grands travaux. Il fait 4 degrés en-dessus de zéro lorsque Sandra et les autres montent skier au pied de Bavon. Il est près de 11 heures 30 lorsque je me saisis de ma seconde paire de chaussures et de mes raquettes.
Départ devant le chalet, à 1400 mètres, arrivée à Plan Monnay à 2100 mètres, en contournant la croupe qui retombe sur Orsières, dans les sapins et les mélèzes. Mais il reste beaucoup de place encore pour les chevreuils et les chamois dont on voit les traces se croiser en tous sens. on marche dans une succession d’ouvertures. Les Alpes ont un petit air de Jura à cette altitude. Les branches des épicéas chargées de lourdes grappes de pives touchent du bout des doigts la neige abondante encore. Ailleurs des mélèzes soufflés par le vent s’appuient les uns contre les autres et tiennent en équilibre comme un mikado géant. On entend les mésanges, puis on les aperçoit avec du soleil sur les ailes.
Le chemin débouche face au Catogne. On devine le Rhône, son coude sous Morcles, le début du val de Bagnes, les Dents du Midi à l’ouest. Au nord-est l’extrêmité du domaine skiable de Verbier avec un voile de couleur douteuse. Je n'entends par moments que le frottement des raquettes sur la neige dure, c’est comme le bruit d’un papier de verre 80 sur du bois tendre. Je longe par l’est les rochers du Grand Paray d’où les yeux plongent sur le Val Ferret, Praz de Fort et Issert. On devine la Fouly au bout de la route rectiligne qui se perd dans les bois que traverse l’autre Dranse que surplombe de l’autre côté le Mont Dolent, les Planereuses, la Petite Pointe, la Grande, le Clocher. Derrière le dédale des petits cols, la cabane de Saleina, son glacier, sa fenêtre par laquelle on rejoint le Plateau de Trient où je n’irai plus. De l’autre côté le fond de la coquille du Grand Combin. Le vent du nord a brodé d’est en ouest, à même le ciel, une longue bande de laine blanche dont les mailles filent. Ma journée est faite.
Descends en une petite demi-heure sur le domaine skiable, y retrouve les filles au bas du téléski. M’installe sur un transat pendant que les uns et les autres, en petit nombre, montent et descendent.
Il me faudra moins d’une heure pour rejoindre Vichères, en partie sur le postérieur, dans une semoule printannière, lourde et froide.
Puis la vie collective reprend ses droits.

Jean