(Ecoles à Berne 2) Bars de l'Eleven et du Novitel
Cher Pierre,
Nuit courte. Je me retrouve au déjeuner, bancal, face au Grison que les hurlement de sa fille ont ramené à la vie. L'impression qu'il m'a faite hier se confirme ; tout en lui rappelle les caprinés qui habitent les montagnes au-dessus de Cazis : yeux tombants, longs cils, nuque osseuse, pattes arrière résistantes, jarrets fins, jusqu'à sa voix de fumeur, rauque : entre le brame du cerf et le bêlement de la chèvre. Son insouciance aussi.
À la table siègent encore un hibou, un phasme, un paresseux, une musaraigne, un moineau, une perruche, un renard, une autruche, non deux autruches, une oie, un mustang, un fourmilier. Tous semi-domestiqués, ou croisés avec un humain, demi-dieux.
Il fait un froid de canard, les trois ours de la fosse hibernent ; j’en aperçois un respirer sur l'écran de télévision placé sur le chemin du bord de l'Aar. Froid polaire devant Erlacherhof, devant le Münster, la Banque nationale et le Palais fédéral. La chancellerie nous fait poireauter un bon quart d’heure avant qu’un de ses employés montre son nez du bout des doigts, à peine deux mots, il a froid. Se retire aussitôt avec la liste des signatures de tous ceux qui qui veulent un Mariage et famille pour tous.
Les commissions de l’après-midi réchauffent les esprits et l’atmosphère. Les adolescents n'ont plus besoin de moi, je vais m'étendre sur une paillasse militaire, lis quelques lignes de l’Abrégé du monde. Elles me suffisent.
Longue séance de discussions le soir au sein du groupe parlementaire, jusqu'à dix heures. Les adultes sortent ensuite : bar de l’Eleven au Wankdorf, celui du Novitel ensuite, on ne compte plus les heures, la nuit sera une seconde fois courte, très courte.
Jean Prod’hom